Mobile : mieux comprendre les fréquences et les technologies

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Nous vous avions parlé il y a quelques semaines du rachat de SFR par Numericable. Il était donc question de ces actifs fondamentaux pour les opérateurs que sont les fréquences qu’ils sont en droit d’utiliser d’une part (objet de licences acquises auprès des pouvoirs publics), et des réseaux physiques (antennes) déployés d’autre part. En effet, un réseau exploite une bande de fréquence, selon différentes technologies : 2G, 3G et 4G en l’occurrence en France.

Tout ça étant d’une complexité certaine, nous vous proposons de remettre à plat cette thématique afin de permettre aux moins experts d’entre vous d’y voir plus clair. De manière concise. Autant que faire se peut, donc ce sera un peu long malgré tout. Promis, à la fin vous saurez (presque) tout.
 
Parce que parfois, l'innovation passe aussi par une bonne compréhension de la technologie !
 

Mais au fait 2G, 3G et 4G : quelles grandes différences?

On ne reparlera pas ici de la "1G" : c'était Radiocom 2000,  pour les moins jeunes d'entre vous.
  • La 2G :
    • C'est ce qu'on appelle le GSM. La deuxième génération, qui a remplacé Radiocom 2000, donc. Les nouveautés de la 2G : le fait que ce soit du tout numérique, et un standard européen (qui a conquis le monde), permettant de faire des économies d'échelle, d'autoriser l'interopérabilité des équipements, et aussi par la même occasion le roaming entre réseaux différents
    • Est arrivé ensuite le GPRS : la possibilité d'avoir une connexion de données ("data"), potentiellement permanente. Avec une faible bande passante dans un premier temps
    • ...et qui fut améliorée avec EDGE, plus efficace pour compresser les données sur un canal GPRS, et donc offrant plus de débit (mais sans changer le principe de fonctionnement)
    • En résumé : en 2G, on est en numérique, on passe des appels voix en mode  "circuit", et on fait de l'internet en mode "paquets". Et on ne fait pas les deux en même temps: un appel voix suspend la connexion GPRS/EDGE
  • La 3G :
    • Evolution qui est arrivée en France vers 2005, la 3G nécessite un nouveau réseau physique, des terminaux compatibles, le tout sur de nouvelles fréquences. En France, si on vous parle de WCDMA et d'UMTS : ce sont des technologies 3G
    • C'est à partir de la 3G qu'on a vu arriver la "visio" (flop à l'époque)
    • En 3G, on est toujours en mode circuit pour la voix, et en mode paquet pour la data
    • La nouveauté : on peut faire voix et data en même temps. Et on a une meilleure bande passante, ainsi qu'une latence plus courte (latence = le temps que ça prend entre le moment où on clique sur un lien et le moment où on commence à avoir la réponse)
    • ATTENTION : certains parle de "3G" pour désigner la connexion data sur le mobile... C'est une confusion, on fait bien des appels voix en 3G, et on fait aussi des connexions data en 2G
  • De la 3G+ au H+ :
    • Toutes les évolutions qui sont arrivées ensuite sont des améliorations de la 3G, offrant plus de bande passante d'une part, et une meilleure latence d'autre part. Après la 3G, on a donc eu le HSDPA (ou "H"), puis dernièrement le HSPA ("H+").
    • Dernière évolution en date : le "Dual Carrier", qui permet en fait à un mobile compatible d'utiliser deux canaux H+ en même temps
  • Et maintenant : la 4G
    • Qu'on appelle aussi LTE (Long Term Evolution), là aussi un nouveau réseau sur de nouvelles fréquences qui requiert un téléphone compatible
    • Il s'agit cette fois d'un standard mondial : donc encore plus d'économies d'échelle, et à terme des équipements moins onéreux
    • Par rapport à la 3G, on est en 100% communication paquets : plus d'appels circuits pour la voix
    • Ce qui veut dire que pour le moment en France : quand on est en 4G, dès qu'on passe ou reçoit un appel le mobile bascule temporairement en 3G ou 2G
    • Pour éviter ça, il faudra que la VoLTE (Voice over LTE) soit mise en service : de la voix 100% voix sur IP sur le réseau 4G
    • La 4G apporte concrètement une latence très faible, et un débit beaucoup plus élevé que la H+ en download (en gros 2x une bonne ligne ADSL) mais aussi en upload (de 10 à 30 x plus rapide qu'une ligne ADSL !)
    • Une petite particularité : en 4G le "handover" (passage d'une antenne à l'autre) peut se passer à plus haute vitesse. Donc si les opérateurs avaient la bonne idée de mettre de la 4G le long des voies TGV on pourrait enfin faire de l'internet dans le train ... A bon entendeur !
    • Pour les plus curieux : LTE-Advanced sera une évolution de la 4G permettant à un terminal d'utiliser plusieurs bandes de fréquence 4G en même temps

Bandes de fréquence : différences, et petit historique

Toutes ces technologies s'adossent sur des fréquences spécifiques : en effet les opérateurs acquièrent des licences auprès des pouvoirs publics pour avoir le droit d'exploiter une technologie sur une bande de fréquences donnée. Avec, d'ailleurs, des obligations de calendrier de déploiement en matière de couverture du territoire et de la population : le rôle des pouvoirs publics étant d'assurer le développement des infrastructures dans le pays.
 
Un propos préliminaire : il faut savoir que plus la fréquence est élevée (nombre de MHZ élevé), moins le "réseau" porte loin et  rentre dans les bâtiments, mais plus cela permet une forte densité (nombre d'utilisateurs sur un territoire donné).
 
Si on refait l'historique de départ, voilà comment cela s'est passé :
  • Orange et SFR en 2G : bande des 900MHz (utilisée largement en Europe). Puis par la suite, un peu de 1800Mhz dans les zones très denses
  • Bouygues Telecom en 2G : au départ en 1800MHz (moins utilisée en Europe), puis également en 900MHz pour couvrir les zones non urbaines
  • Lancement de la 3G : bande des 2,1GHz (utilisée largement en Europe) pour les 3 opérateurs, rejoints par Free par la suite. Petite remarque: à l'époque SFR a choisi de ne pas mettre à jour le réseau 2G en 900MHz vers EDGE sur les zones 3G. Résultat: quand vous rentrez dans un bâtiment, vous êtes en GPRS et même pas en EDGE...
  • Lancement de la 4G : bande des 2,6GHz pour les 4 opérateurs, et également bande des 800Mhz pour couvrir les zones non urbaines pour seulement 3 des opérateurs, Free ayant choisi de délaisser ces fréquences

Tout paraît assez simple : chaque technologie, par région géographique du monde, a en général une fréquence attribuée. C'est pour ça que les mobiles sont les mêmes en Europe, et sont légèrement différents aux Etats Unis, avec des bandes de fréquence pas toujours compatibles. Exemple : le premier iPhone 5 d'Apple qui ne faisait de la 4G qu'en 18000MHz : bande supportée au départ aux US et en Allemagne mais pas en France.

 

En matière de fréquences et de déploiement, il faut bien comprendre que déployer un réseau mobile est une tâche complexe :

  • Chaque fréquence a un comportement propre : reflets sur les bâtiments, couverture, pénétration des bâtiments, tout est à bien calculer pour choisir l'emplacement de ses antennes
  • Ensuite il faut négocier le droit d'installer lesdites antennes : de moins en moins facile
  • Et enfin il faut raccorder les antennes à du très haut débit, car il faut bien assurer en aval la bande passante que permettent les dernières technologies entre l'antenne et le mobile

Le "refarming" : réattribution de bandes de fréquences à de nouvelles technologies

Ce serait trop simple si l'histoire s'arrêtait là ! Comme dit précédemment : plus les fréquences sont basses, mieux on rentre dans les bâtiments et plus on couvre loin. Donc pratique pour couvrir les zones non urbaines. Et voilà : la 3G est sur une fréquence élevée (2100MHz), or avec le développement de la 3G la bande des 900MHz attribuée à la 2G devenait moins utile. Vous aurez peut être remarqué par ailleurs que bien souvent, quand vous étiez en 3G en extérieur, le fait de rentrer dans un bâtiment vous faisais basculer en 2G: parce que le 2100MHz rentrant moins bien en intérieur, le téléphone bascule en 900MHz.
 
L' "UMTS 900" a donc été lancé : les pouvoirs publics ont donc autorisé les opérateurs à faire de la 3G sur les fréquences 2G. Ils ont donc petit à petit réattribué une partie de leurs fréquences en 900MHz pour faire de la 3G.  Les bénéfices :
  • La possibilité de couvrir plus rapidement le territoire en 3G, le 900MHz permettant de couvrir de plus grandes zones. Avec en outre des antennes de toute façon déjà installées
  • Le fait de ne plus basculer en 2G à l'intérieur d'un bâtiment, car le téléphone bascule toujours en 900MHz mais en restant sur une technologie 3G
  • Remarque: les opérateurs n'ont pas fini de faire un "refarming" optimal sur tout le territoire, mais à terme (fin 2014 pour certains opérateurs, un peu plus tard pour d'autres) cela signifie que la couverture 3G sera égale à la couverture 2G

Le cas précis de la 4G lancée par Bouygues Telecom: explications

Qu'en est-il de la 4G ? Eh bien il se trouve qu'en France, Bouygues Telecom a justement réussi, au moment du lancement de l'iPhone 5 en France (compatible 4G mais uniquement en 1800MHz en France, une bande 2G utilisée seulement par Bouygues Telecom vous vous souvenez ?), à négocier avec les pouvoirs publics d'avoir le droit de faire du "refarming" 4G sur sa bande 2G des 1800MHz.  Ce qui leur a été accordé : l'opérateur a donc pu, en très peu de temps, basculer une partie de son spectre 1800MHz en 4G et ainsi offrir quasiment instantanément une couverture de 40% de la population en 4G.

 

Communication Bouygues Telecom au lancement de sa 4G

 

Un avantage concurrentiel représentant des mois voire années d'avance en terme de déploiement par rapport à la concurrence, obligée de passer par de nouvelles antennes en 2600 et 800MHz.

Alors, en résumé: quels opérateurs sur quelles fréquences?

Par conséquent, finalement voilà comment ça se passe :

  • Orange : 900MHz en 2G et 3G, 2100MHz en 3G, 800 et 2600MHz en 4G. Et un peu de 1800Mhz pour Orange en zone urbaine sur de la 2G
  • SFR : pareil qu'Orange
  • Bouygues Telecom : 900MHz en 2G et 3G, 1800MHz en 2G et 4G, 2100MHz en 3G, 800 et 2600MHz en 4G
  • Free : 2100MHz en 3G, 900MHz en 3G également (car les 3 autres opérateurs ont rétrocédé une partie de leur spectre 2G à Free par obligation réglementaire), et 2600MHz en 4G (pas de 800MHz en 4G pour Free, qui n'a pas souhaité acheter de licence)

 

Le résultat?

Le résultat : pour chaque opérateur, on obtient donc une couverture spécifique par technologie (2G, 3G, 4G), chaque technologie correspondant à un mix de fréquences. Vous pouvez retrouver ce que ça donne de manière visuelle sur le site de Sensorly (n'hésitez pas à télécharger l'appli mobile).

Plusieurs enjeux pour les opérateurs:

 

Free passe devant les autres

 

Et s'il ne devait en rester plus que 3?

Avec un Bouygues Telecom qui s'avère de trop petite taille pour continuer d'exister sur le marché français, et qui est pourvu d'un réseau de bonne qualité (notamment de cet atout formidable d'un réseau 4G à 40% de la population en 1800MHz au lancement - ils couvrent désormais 69%) d'une part, et d'un Free ayant plutôt un déficit de réseau (accord avec Orange pour utiliser son réseau 2G, et obligations de déploiement 3G/4G) d'autre part, il serait donc assez cohérent que ces 2 acteurs se rapprochent. A suivre !

Publié le 03 juin 2014

Mis à jour le 26 mars 2024

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Ecrit par
Nicolas Blaisot
Nicolas Blaisot Nicolas a travaillé dans de nombreuses entreprises de conseil avant de rejoindre Thiga en 2014 comme Partner. Il a ensuite été Chief Product Officer chez Kadensis, Oscaro et est aujourd’hui chez Sanofi dans un rôle de Senior Product Manager. Toutes ces expériences lui ont permis de travailler dans des environnements agiles et des produits numériques complexes, impliquant le web, les applications mobiles, les solutions embarquées IoT. Early adopter, créatif et problem solver, Nicolas aime faire avancer les choses et contribuer à l’essor de la culture produit partout où il travaille.

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