Produits B2E : 5 clés pour maximiser l’adoption des outils internes

  • mise à jour : 25 juin 2025
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Vous avez déployé un super outil interne… mais personne ne l’utilise. Adoption mal anticipée, utilisateurs peu impliqués, valeur mal perçue… Les solutions internes restent souvent un angle mort stratégique. Louise Thevenet, Lead Product Manager spécialisée dans les produits B2E chez Thiga, donne dans cet article 5 clés concrètes pour que vos produits internes fassent une vraie différence.

Les entreprises continuent d’investir massivement dans leurs outils digitaux internes (B2E) pour améliorer la productivité des équipes et optimiser leurs processus. Entre 2022 et 2023, les investissements dans l'expérience digitale des employés ont ainsi augmenté de 31 % au sein des entreprises du SBF120 (CIGREF - IT Budget Report 2023). Pourtant, l'adoption de ces outils reste un point de friction. La gestion du changement est souvent prise en compte trop tardivement, voire négligée. Le flou autour de la responsabilité de cette adoption complique encore la situation : est-ce aux équipes Produit, aux opérationnels ou aux décideurs de piloter cet enjeu ?

Conséquence directe : des outils coûteux qui peinent à démontrer leur impact. Mal compris, peu utilisés, voire contournés, ils finissent par générer des résultats mitigés malgré des investissements importants. Alors, comment maximiser l’adoption des outils internes ? Voici quelques clés, basées sur nos retours d'expérience concrets.

Vous travaillez sur des solutions internes ? Voici les 7 défis propres au produits B2E qu'il va vous falloir surmonter ! 

1. Connaître ses utilisateurs mieux qu'ils ne se connaissent eux-mêmes

Une adoption réussie commence toujours par une connaissance approfondie des réalités du terrain. Pourtant, les outils internes sont souvent conçus sans compréhension fine des processus et des besoins quotidiens des opérationnels. Une méconnaissance qu’a pu rencontrer Elettra Doglio, consultante chez Thiga dans un groupe de retail français : "Il y avait un vrai travail à faire pour parler la même langue que les techniciens et les responsables d'atelier.".... Ce qui peut créer des frictions inutiles et creuser l'écart et les incompréhensions potentielles entre les équipes Produit et les utilisateurs.

Autre réalité souvent sous-estimée : les opérationnels jonglent chaque jour avec une multitude d’outils aux frontières parfois floues. Lors d’une mission dans la supply chain, j’ai pu observer que certaines actions pouvaient être réalisées dans plusieurs systèmes différents, selon les habitudes ou préférences des utilisateurs. Pour un Product Manager, cela signifie une chose essentielle : il ne suffit pas de bien connaître son produit. Il faut aussi comprendre l’écosystème complet dans lequel il s’inscrit, y compris les actions effectuées en dehors des outils digitaux (ou de ceux dont on s’occupe). Sans cette vision transverse — sans immersion régulière sur le terrain — on risque de concevoir des évolutions qui, bien que pertinentes sur le papier, auront peu d’impact dans la réalité du quotidien des utilisateurs.

Enfin, les demandes d’évolutions sont souvent gérées dans un rapport “client - fournisseur”, sans que les équipes Produit ne soient en mesure de challenger les besoins exprimés par les équipes métier ou d’objectiver la valeur perçue pour les utilisateurs, faute de connaissance ou maîtrise des problématiques réellement rencontrées.

Bonnes pratiques :

  • Immersions sur le terrain : Observer les utilisateurs dans leur quotidien en considérant l’ensemble de leurs outils et tâches, commencer petit en s’adaptant aux contraintes, et partager le bilan de ces observations avec les équipes métiers ou les managers potentiellement réfractaires !
  • Mixité des retours : Intégrer des profils variés (novices, experts, différentes populations ou types de postes) pour s’assurer d’avoir une compréhension globale et limiter les biais.
  • Partage de la connaissance métier : Capitaliser sur la connaissance utilisateur en partageant les retours avec les équipes produit pour éviter la sur-sollicitation des utilisateurs peu disponibles.

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Organiser une demi-journée d’observation avec 2-3 utilisateurs représentatifs, puis cartographier leurs parcours pour visualiser les blocages.

2. Montrer la valeur concrète

Un outil interne peut être imposé… Mais cela ne garantit en rien son adoption effective. Alexiane Gilbert l’a vécu lors de sa mission dans un groupe cosmétique français : “Les utilisateurs ne voyaient pas forcément l’intérêt du nouvel outil, pour eux c’était juste une contrainte de plus à contourner autant que possible”. Si les utilisateurs ne perçoivent pas clairement en quoi il simplifie leur travail, ils chercheront des solutions de contournement. Et parfois, ces "hacks" deviennent la norme avec les risques qu’ils peuvent entraîner (perte de données, sécurité,…). 

Si les chiffres peuvent aider, ils ne suffisent pas toujours. Il est préférable de démontrer des gains tangibles dans le quotidien des utilisateurs, comme le temps gagné sur une tâche critique ou sur la simplification des process les plus irritants et les illustrer avec des exemples concrets.

Chez un client dans un groupe e-commerce, Julie Crépet a adopté une approche pragmatique : "On a organisé un atelier avec les opérationnels pour hiérarchiser les points de friction les plus pénalisants. En résolvant d'abord les irritants majeurs, on a construit une dynamique positive."

Autrement dit, l’impact ressenti prime souvent sur les chiffres abstraits, à l’aide d’un discours adapté aux utilisateurs et à leurs problématiques.

Bonnes pratiques :

  • Démonstrations ciblées par rôle : Montrer des cas d’usage concrets adaptés aux besoins de chacun.
  • Mise en avant des "quick wins" : Se concentrer sur les cas d’usage les plus impactants et les premiers bénéfices visibles.
  • Valorisation des réussites : Partager des témoignages internes, montrer ce qui change dans le quotidien des utilisateurs, en mettant en avant des résultats mesurables.

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Créer une vidéo de 3 minutes montrant comment un utilisateur gagne 50 % de temps sur une tâche clé grâce au nouvel outil ou à la nouvelle fonctionnalité.

3. Mesurer rigoureusement l'impact 

L’adoption ne se décrète pas : elle se mesure et s’entretient. Sans suivi rigoureux, impossible de savoir si un outil remplit réellement ses objectifs ou s'il est simplement utilisé par défaut, faute d’alternative. Pourtant, la mesure de l’impact est souvent négligée ou mal définie en amont, ce qui rend difficile l’identification des leviers d’amélioration.

Les métriques classiques telles que les taux et fréquences d'utilisation ne sont pas toujours les plus parlantes, car comme le souligne Alexiane Gilbert : “Ces outils sont souvent obligatoires, donc leur utilisation ne garantit pas une adoption réelle. On peut être en mode ‘pilotage automatique’ sans pour autant générer de valeur.” Au-delà des données quantitatives, il est essentiel d’intégrer des indicateurs qualitatifs pour capter le ressenti des utilisateurs et identifier les éventuels points de friction. Diego Lecoutre, consultant Thiga dans le secteur des médias, en témoigne : “Nous avions un bon taux d’usage, mais en creusant, on s’est rendu compte que certaines équipes perdaient du temps à contourner les limites du système.”

La clé est donc d’anticiper en définissant des métriques pertinentes dès la phase de conception. Travailler avec les équipes métier permet de s’assurer que les KPIs choisis reflètent bien les gains attendus en matière d’efficacité, de productivité ou de confort d’utilisation. Ensuite, il est crucial d’ajuster ces indicateurs en continu, en fonction des retours terrain et des usages réels observés.

Julie Crépet insiste sur cette approche dynamique : "Les KPIs d’adoption ne doivent pas être statiques. Si on ne mesure que l’usage brut, on passe à côté des frustrations invisibles. Croiser plusieurs sources de données permet d’anticiper et d’intervenir au bon moment."

Cette approche combinée – données d’usage, feedback utilisateur et impact métier – est la seule qui permette d’évaluer objectivement la réussite d’un déploiement et d’optimiser l’adoption de manière proactive.

Bonnes pratiques :

  • Établir des métriques de référence : Temps d’exécution des tâches, taux d’erreur, … par rapport auquel on pourra évaluer des gains effectifs de temps, de qualité, … Si cela n’est pas possible ou disponible, on peut également avoir recours à des indicateurs déclaratifs tels que le taux de satisfaction (CSAT) ou le niveau d’effort (CES).
  • Corrélation avec les gains business : Relier adoption et impact en termes de productivité et d’économies générées.
  • Suivi des usages réels : Identifier si l’outil est contourné ou utilisé.

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Mettre en place un tableau de bord qui suit les KPIs, insights et verbatims clés (ex : réduction du temps de traitement, retours d’interview) et les partager régulièrement aux parties prenantes.

4. Faciliter l'apprentissage avec une approche adaptée

Un outil, même bien conçu, ne suffit pas : son adoption passe par un accompagnement efficace et continu des utilisateurs. Trop souvent, les formations sont pensées comme un point d’entrée unique, alors qu’un apprentissage progressif et personnalisé est bien plus efficace.

Les besoins des utilisateurs varient selon leur niveau d’expertise, leur métier et leur fréquence d’usage. Une approche unique ne peut donc pas convenir à tous. Julie Crépet se rappelle : "Nous avons constaté que les utilisateurs adoptaient mieux l'outil lorsque nous proposions des formats variés : démos asynchrones, formations en direct et ressources en libre-service." Cette flexibilité permet de s’adapter aux rythmes et aux préférences de chacun.

Un autre levier efficace consiste à mobiliser des référents internes – ou "champions" – capables de guider leurs collègues et de faire le lien entre les équipes produit et le terrain. Ces ambassadeurs jouent un rôle clé pour maintenir l’engagement et diffuser les bonnes pratiques.

Enfin, l’apprentissage ne s’arrête pas au lancement. Une veille continue sur les questions récurrentes et les difficultés rencontrées permet de proposer des ressources adaptées et d’ajuster la stratégie de formation au fil du temps.

Bonnes pratiques :

  • Micro-learning basé sur les rôles : Modules courts et ciblés.
  • Support à la demande : Guides rapides, tutoriels vidéo, FAQ dynamique.
  • Réseaux de pairs et mentoring : Création d’une communauté d’entraide interne.

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Créer un guide “5 minutes pour démarrer”, avec des vidéos courtes adaptées à chaque profil utilisateur.

5. Anticiper les résistances et concevoir autour d'elles

Chaque changement, même bénéfique, suscite des résistances. Ces dernières peuvent être rationnelles (peur de la perte de productivité) ou émotionnelles (appréhension face à la nouveauté). Ignorer ces freins est risqué : ils peuvent ralentir l’adoption, voire conduire à un rejet de l’outil.

L’anticipation est donc essentielle, et cela commence dès la phase de conception. Cartographier les objections potentielles et intégrer les utilisateurs dans les tests en amont permet d'identifier les irritants et d'y répondre avant le déploiement. Julie Crépet insiste sur l'importance de cette démarche : "En impliquant les équipes dès le départ, nous avons pu ajuster l'outil et préparer des réponses claires aux objections les plus courantes."

Les tests utilisateurs sont un levier particulièrement efficace pour lever les résistances. Ils permettent de détecter les incompréhensions, d’adapter les fonctionnalités et d’améliorer l’ergonomie. Ce travail en amont évite d'avoir à gérer des frustrations après le lancement. Abdessamad Benhalima, directeur des équipes Data & IA chez Thiga, l’a vécu lors d’une expérience de Product Manager dans le secteur du luxe : “Sur les projets où les utilisateurs n’avaient pas été consultés, l’adoption était beaucoup plus difficile. Sans communication ni implication préalable, ils ne comprenaient pas l’intérêt de l’outil.”

Enfin, il est crucial de ne pas considérer le déploiement comme la fin du processus. Un suivi post-lancement rigoureux permet de capter les nouvelles objections et de corriger rapidement les irritants.

Bonnes pratiques :

Intégrer l’adoption dès la conception : Prendre en compte les contraintes des utilisateurs et les enjeux de gestion du changement dès la phase de discovery.

Équilibrer satisfaction et impact métier : Ne pas forcer une adoption rapide si l’outil ne crée pas assez de valeur.

Miser sur les early adopters et cas d’usage stratégiques : Identifier des ambassadeurs qui porteront l’adoption.

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Mettre en place un rendez-vous mensuel de 60 minutes, où les utilisateurs clés partagent leurs bonnes pratiques et usages innovants par rapport aux blocages ou situations qu’ils rencontrent, afin de faire monter leurs pairs en compétence, et ainsi sensibiliser les équipes produit à leurs problématiques !

Un outil interne n’a d’impact que s’il est réellement adopté. En écoutant vos utilisateurs, en montrant des bénéfices concrets et en anticipant les résistances, vous transformez un simple déploiement en véritable succès.

L’adoption, ce n’est pas une case à cocher une fois l’outil livré : c’est un travail continu qui, bien fait, simplifie le quotidien, renforce l’engagement et crée de la valeur pour toute l’entreprise. Alors, autant s’y prendre dès le début et en faire un moteur de changement positif !

Ceci étant dit, à qui la main ? Si les équipes Produit ne sont pas les seuls acteurs sur la gestion du changement, nous sommes convaincus qu’ils en sont responsables, et qu’ils doivent savoir s’appuyer sur les autres ressources. Et surtout sur un relais crucial de la part des managers opérationnels !

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