Zero UI : quel futur pour les Product Designers sans interface ?

  • mise à jour : 08 juillet 2025
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Le Zero UI est déjà là. Les produits conçus pour des agents IA, et non pour des humains, s’imposent peu à peu dans notre quotidien. De la reconnaissance faciale à la réservation automatisée, l’interface s’efface. Faut-il pour autant enterrer le Product Design tel qu’on le connaît ? Grâce aux retours de deux experts Design, Thomas Vidal et Simran Singh, cet article interroge l’avenir des Designers dans un monde où l’UI pourrait devenir… facultative.

Voilà”. C’est par ce mot, inlassablement assené, que Michael Baeyens a assommé l’auditoire de son talk de La Product Conf 2025, intitulé "Interface ZERO (UI0) : l’émergence des produits invisibles à l’ère du tout IA"

Assommé d’ennui ? Certainement pas ! C’est plutôt que les mots du Product & Design Practice Director d’eXalt ont eu l’effet d’un coup de massue. Car à travers sa présentation mémorable, “Mitch” Baeyens a embarqué les centaines de spectateurs présents dans un futur pas si lointain. Où l’UI des produits sera pensée pour l'intelligence artificielle, et non pour des utilisateurs humains. Où l’on passera à un Design d’intention. Où les interfaces telles qu’on les connaît disparaîtront.

Si ce talk a autant fait réagir, c’est qu’il est d’une logique implacable. Après tout, l’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée comme alternative aux moteurs de recherche. Le nombre d’agents IA chargés d’exécuter des tâches à la place des utilisateurs augmente de jour en jour. D’ici 2030, les bots pourraient d’ailleurs représenter plus de 90% du trafic web. Or, ces derniers lisent, comprennent et interagissent avec les produits sans interface graphique. Résultat, construire des interfaces pour des humains devient secondaire. Ce qui semble mettre tout un pan du Product Design en péril. 

Un changement qui semble inévitable

En réalité, qu’on le veuille ou non, le “Zero UI” est déjà là. De nombreux cas existent et sont largement adoptés, comme le souligne Simran Singh, AI Product Designer chez Thiga. L’avantage principal ? Le gain de temps : “Grâce à la reconnaissance faciale, le fait de taper son mot de passe se raréfie. Grâce à Apple Pay, plus besoin de sortir sa carte bancaire. Il y a plein de petits exemples comme ça où l’interface s’efface, rendant l’expérience plus fluide.” Des usages que les entreprises sont obligées de prendre en compte en concevant leurs produits. “Aujourd’hui, l’utilisateur veut des réponses instantanées, il n’a plus la patience de scroller. Si ce qu’il cherche ne s’affiche pas dans les premiers résultats, il part, explique celle qui travaille pour une plateforme de réservation de restaurants.

Pour Thomas Vidal, Head of Design et Partner Thiga, cette fluidité est la clé de la confiance… et de la fidélisation. “Prenez Amazon, aux Etats-Unis. Si on achète une paire de chaussures sur la plateforme, un agent intervient et scroll le web pour voir s’il peut proposer la même à un meilleur prix. S’il trouve une offre plus intéressante, il est possible d’acheter directement depuis Amazon. Donc la plateforme perd un peu d'argent sur l’opération, mais elle garde l’utilisateur. Et entretient la fidélité.” Sans compter le bond en avant que cela représente en termes d’accessibilité. “Les personnes qui ne pouvaient pas parcourir certains sites vont pouvoir le faire grâce aux agents”. 

Et on ne parle ici que du court terme. L’expert Design l’annonce : à moyen terme, les agents vont interagir directement entre eux. “Si un client veut réserver une prestation, l’agent qu’il utilisera ira se connecter à l’agent d’une autre entité pour booker ou récupérer une information. L’utilisateur n’aura que le résultat final.. C’est un changement de logique, ajoute-t-il. Aujourd’hui, c’est l’utilisateur qui effectue sa recherche sur Google. Demain, il dira à son agent vocal : ‘Je veux aller au Fairmont à San Francisco, propose-moi les meilleurs tarifs’. Et il ira échanger avec l’agent de l’hôtelier pour avoir les bons prix et les bonnes infos.” Un changement qui implique d’importantes répercussions pour les professions du Design. “Nous n’allons plus seulement concevoir des expériences. Nous allons devoir penser des systèmes de données permettant aux agents de comprendre ce qu’on leur demande et de l’exécuter en interagissant entre eux”. 

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Le poids des entreprises

On serait tenté de penser que la messe est dite. Que demain, ChatGPT ou Gemini remplaceront Google. La réalité est d’autant plus complexe que les enjeux financiers sont élevés. Car un monde où les agents seraient les seuls à naviguer sur internet implique un monde où les entreprises laissent libre accès à leurs données. Pour Thomas Vidal, nous n’y sommes pas encore : “Les entreprises ne vont pas céder leurs données si facilement. Elles vont vouloir les monétiser. Et si OpenAI veut des infos plus précises que Copilot, il faudra payer”. Imaginons qu’une entreprise ait conclu un partenariat avec un fournisseur d’IA. L’agent de ce fournisseur pourrait alors accéder à des contenus ou services exclusifs, inaccessibles aux autres agents ne bénéficiant pas de cet accord.

Mais si une entreprise décide de ne pas laisser l'accès à ses données à tous les agents, ne risque-t-elle pas de se couper de sa clientèle ? Pour le Head of Design, la réponse est non. “Même si aujourd’hui tout le monde passe par Google, cela ne signifie pas que demain ça sera la même chose avec les entreprises d’IA. Il y aura plusieurs portes d’entrées, qu’il s’agisse de Gemini, OpenAI ou encore Anthropic, estime Thomas Vidal. Et puis, la relation entre les utilisateurs et les agents se base sur un contrat moral, de confiance. On compte sur lui pour fournir les meilleurs résultats. Il n’a pas intérêt à proposer que les résultats de ses partenaires ! Imaginez une agence de voyage qu’il ne travaille qu’avec deux prestataires, sans possibilité de comparer avec l’ensemble du marché. Personne ne voudra y aller !” Comme toujours dans le Design, on en revient à une chose : l’expérience utilisateur. 

Vers la fin du Design d'interface ?

Même si l’on supprime l’interface, cela ne signifie pas que l’on arrête de penser à l’UX (et donc à l’expérience utilisateur au global). Simran Singh est catégorique. “Il faut anticiper ses besoins, ses doutes, ses peurs, et designer un parcours. Qu’il y ait une interface ou pas, ce n’est pas ça l’important. Ce qui compte, c’est que ce soit bien pensé pour lui.” Or, contrairement à ce qu’on peut penser, l’UI n’est pas indépendante de l’UX. Elle en fait pleinement partie. 

Tout l’enjeu est là : est-ce qu’un système sans interface, qui propose simplement des résultats froids et contextuels, suffira pour fidéliser les clients ? Thomas Vidal n’en est pas convaincu. “Un simple texte ne fait pas vendre, et Apple en est un bon exemple. La majeure partie des gens achètent leurs produits directement sur leur site, même si Amazon est moins cher. Pourquoi ? Parce qu’il y a une expérience. Un client qui va sur le site Apple est dans leur univers. Il y a une ambiance, une cohérence… Un design, souligne-t-il. “De la même manière, Nike ne voudra pas que ses produits soient présentés et vendus de la même manière que ceux d’Adidas. Pas plus que les clients, d’ailleurs. Souvent, on n’achète pas simplement un produit ou un service. On achète le statut social lié à la marque, et l’émotion qui va avec. L’expérience digitale fait partie intégrante de ça”.

Pour l’expert de Thiga, le Zero UI n’est donc pas pour demain. “Même en passant par un agent, il faudra toujours une présentation soignée, une interface, même minimale. Peut-être moins d’étapes, mais toujours une vraie expérience différenciante. Oui, on fera peut-être moins de sites web comme avant. Mais même si on conçoit de plus en plus d’interfaces pour les agents, on continuera à en concevoir pour les humains.” conclut-il. 

En tant que Product Designer IA, Simran Singh encourage les entreprises à se poser les bonnes questions avant de se lancer. Et comme pour tout projet d’intelligence artificielle, de ne pas faire disparaître  les interfaces pour suivre un effet de mode. “Il faut vraiment réfléchir au problème utilisateur : combien de temps il passe sur telle ou telle tâche, qu’est-ce qu’on peut changer pour aller plus vite…” Toujours en pensant valeur pour l’utilisateur, mais aussi pour le business. Car, comme l’a bien dit Michael Baeyens à la fin de son talk, c’est là cœur du Produit : proposer de la valeur, en répondant à de vrais besoins.

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