Quel avenir pour le Product Manager en 2024 ?

  • mise à jour : 20 décembre 2023
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Depuis 10 ans et la création de Thiga, le métier de Product Manager a beaucoup évolué. 2024 ne devrait pas faire figure d’exception, notamment avec l'avènement de l’Intelligence Artificielle. Mais l’IA n’est pas la seule à bouleverser le métier. Benjamin Danel, consultant chez Thiga, nous livre sa vision des évolutions à venir pour cette nouvelle année.

"Dis moi ChatGPT, quelle évolution vois-tu au métier de Product Manager (PM) en 2024 ?” 

Ce prompt est celui que j’ai testé avant de me lancer dans la rédaction de cet article. Résultat ? Un alignement dans les grandes lignes avec quelques divergences. Si vous voulez connaître les paris qu’un humain fait pour l’évolution sur 2024 de son métier en France, vous êtes au bon endroit ! 

✊ Une (r)évolution forcée du rôle de PM

# 1 L’avènement de l’Intelligence Artificielle

Indice de confiance : 5/5

L’intelligence Artificielle (IA), c’est un peu l’éléphant au milieu de la pièce quand il s’agit de parler du futur de nos métiers. ChatGPT vient tout juste de souffler sa première bougie mais il est déjà partout et le domaine du Product Management n’y échappe pas. 2023 a été l’année de la découverte. 2024 sera l’année de l’accélération.

La vie quotidienne d’un PM est une lutte sans fin contre le temps, à jongler entre des sujets de delivery, de discovery et de stratégie. Cette course continuelle et ces changements de focus entraînent une surcharge de travail et une perte de lucidité sur les décisions prises. C’est là où l’IA prend tout son sens. Savoir quand et comment l’utiliser, telles sont les futurs compétences qui seront attendues d’un PM pour être performant. 

Aujourd'hui et sans s’en rendre forcément compte, le PM a vu sa productivité augmenter avec un meilleur résultat final. Miro, Productboard, Notion (pour ne citer qu’eux) intègrent déjà des fonctionnalités à base d’IA. 

Peut-être avez-vous déjà utilisé ChatGPT pour prioriser un backlog, résumer une interview utilisateur ou écrire une User Story (US) par exemple ? Peut-être avez-vous même trouvé le résultat quelque peu déceptif ? En 2024, ce côté perfectible sera corrigé, tant du côté de l’IA elle-même que du PM qui maîtrisera l’art du prompt. Utiliser une IA ne sera plus une question, mais un réflexe.

Est-ce que cela veut dire que le métier de PM est voué à disparaître ? Je ne pense pas. L’adage dit que “le Product Management est un art pour son côté créatif et innovant et une science pour son côté logique et rationnel”. Si l’Intelligence Artificielle répond clairement au côté scientifique et que l’IA générative peut appuyer le côté créatif et innovant, il me paraît très peu probable qu’une machine puisse répondre à tous les enjeux auxquels le PM doit faire face.

En revanche, découper une Épic en User Story, écrire une US ou tester une fonctionnalité par exemple, sont des tâches de “production” et donc facilement réalisables par une IA. À terme, ces responsabilités disparaîtront du quotidien du PM, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette… 

Pour résumer, 2024 sera l’année de l’avènement du PM “augmenté” mais la vigilance devra être de mise pour éviter les sorties de route.

#2 Un contexte économique qui demande plus de responsabilité

Indice de confiance : 4/5

Avec la fin des levées de fond à gogo, la crise économique de la Tech a sonné le glas d’un âge d’or où l’argent coulait à flot et permettait d’embaucher à tour de bras. Je ne parle même pas de la crise inflationnelle et de l’incertitude de l’économie mondiale liées aux guerres en Ukraine et au Moyen-Orient. De cigales, les entreprises se sont transformées en fourmis.

Ces éléments feront évoluer le rôle de PM vers plus de responsabilisation et d’impact. Finies les “feature factories” où le budget alloué était lié aux nombres de fonctionnalités délivrées. En 2024, chaque investissement devra se justifier via le calcul d’un ROI (retour sur investissement). Les aspects de gouvernance et de gestion de portefeuille muscleront leur jeu dans les organisations. Le discovery et la data auront un rôle essentiel à jouer dans ce nouveau paradigme pour éviter de monopoliser des équipes de développement sur des sujets à faible ROI… Et c’est là où le PM aura toute son importance...

#3 Des attentes toujours plus fortes sur l’aspect environnemental et sociétal

Indice de confiance : 3/5

Le contexte sociétal a déjà impacté le rôle de PM. La société évolue à vitesse grand V sur les questions environnementales et éthiques. Résultat, les attentes des consommateurs sont déjà de plus en plus grandes sur ces aspects et les entreprises doivent se mettre au diapason, au risque de flirter avec le bad buzz. En témoigne X (ex-Twitter) avec l’arrivée d’Elon Musk et la suppression de la moitié des employés dont toute l’équipe modération. Outre des problèmes techniques, cela a engendré des soucis d’ordre éthique avec une augmentation sans précédent de faux comptes et d’arnaques. 

Au niveau des entreprises, les candidats au label B-Corp se multiplient et cela s’inscrit dans la même dynamique. Au niveau des produits digitaux, ces préoccupations se déclinent dans un intérêt plus poussé pour les sujets de l’accessibilité, la prévention des dark patterns, la protection de la data privacy, le green IT et la prise en compte de la diversité ou de l’illectronisme entre autres. Sujets parfois sous-estimés, ils prendront de l’ampleur en 2024 et ce seront les PMs qui évolueront en première ligne pour s’assurer que leur produit respecte les bonnes pratiques sur ces sujets.

Eux-mêmes convaincus par ces problématiques, cela créera un cercle vertueux que j’espère durable. La seule limite sera l’opérationnalisation de ces aspects. A l’heure actuelle, on attend toujours un framework ou un “How to” faisant consensus, malgré le très bon livre “Responsables” de Fabrice des Mazery que je recommande vivement.

⚽️ Un terrain de jeu qui continue à s’élargir

#1 Le Produit s’implante dans les grands groupes

Indice de confiance : 5/5

“Software is eating the world” comme disait l’entrepreneur et investisseur américain Marc Andreessen, co-fondateur de Netscape, l'un des premiers navigateurs web grand public. Après l’âge d’or des transformations Agile, souvent cantonnées à l’IT, force est de constater que ce sont les transformations Produit qui sont désormais populaires, touchant notamment la partie business des entreprises. 

Dans la dernière étude LPC, Decathlon est cité à la première place des entreprises où les Product aimeraient travailler… Et ce n’est pas lié qu’à leur attrait pour le sport. L’image renvoyée par l’entreprise sur la structuration de son organisation Produit est forte, poussée par son ADN de l’innovation. Carrefour qui se structure avec le concept de “4-in-the-box” et met en place des OKR, est l’autre signe d’une forte accélération sur l’importance du Produit et du design. Plus discrets, d’autres fleurons de notre économie tels que Accor, L’Oréal ou Chanel opèrent aussi leur transformation en recrutant des profils qui faisaient auparavant le bonheur de nombreuses scale-ups. 

“On ne conduit pas un paquebot à la même vitesse qu’un hors-bord. Le Produit dans les grands groupes est en train de se structurer, mais il faut des compétences différentes faites de politique et de résilience” nous confie Stéphanie Schoenahl, consultante Head of Product chez Thiga qui a évolué dans bon nombre d’organisations Produit. L’accélération est claire et elle augmente fortement la popularité des rôles Product et leur nombre dans l’écosystème français.

Cette tendance à la transformation Produit n’est pas une spécificité franco-française et j’attend avec impatience de lire “Transformed” de Marty Cagan qui abordera le sujet avec sa vision pleine de convictions.

En 2024, il est certain que le Produit continuera à prendre de l’ampleur dans ces organisations et je parie qu’on verra un bon nombre de Product leaders faisant les beaux jours des scale-ups / startups rejoindre ces grands groupes.

#2 Une ultra-spécialisation du rôle

Indice de confiance : 3/5

Avec des clients toujours plus exigeants et un marché toujours plus concurrentiel, les entreprises sont poussées continuellement vers la perfection et l’innovation ayant pour conséquence une technicisation et une spécialisation des métiers. Tel est le constat fait par Julia de Funès, philosophe et écrivaine à succès, lors de la dernière keynote d’ouverture d’Agile en Seine et le monde du Produit n’échappe pas à la règle.

Au premier rang de ces rôles spécialisés ayant le vent en poupe, il y a tous ceux liés de près ou de loin à l’IA, avec le “PM IA” (ceux dont le périmètre est directement lié à la création ou la configuration d’une IA) et le “PM Data”. “Avoir des données de qualité pour alimenter les IA d’aujourd’hui et de demain est devenu une priorité. Ce genre de profils seront de plus en plus recherchés”, confie Rémi Favre, Product Management Director chez Thiga.

Autre exemple de ces spécialisations, le rôle de “PM Platform”. Les systèmes d’information se structurent de plus en plus avec d’énormes ambitions de modularité, de scalabilité et d’ouverture. Dans ce contexte, toute brique, même technique, doit être gérée tel un produit avec une stratégie, un budget et la gestion de parties prenantes toujours plus exigeantes. Le “PM Platform”, avec son ADN tech est taillé pour ce type de contexte.

♟️ Une restructuration du rôle vers plus de stratégie 

2024 va amorcer un mouvement vers le haut du rôle de PM, en le détachant du delivery pour le rapprocher de la stratégie

#1 Le rôle du Product Owner disparaîtra 

Indice de confiance : 1/5

Héritage de notre culture MOA/MOE, le binôme PO/PM est la norme depuis de nombreuses années, surtout dans les grandes entreprises. Cette spécificité française, les organisations matures l'ont en majorité bannie depuis longtemps. Alors pourquoi ce mouvement ne se propagerait-il pas plus loin en 2024 ? 

Comment faire sans Product Owner ? Il existe deux scénarios pour éviter que le PM parte en burn-out, écrasé par une charge de travail trop importante :

  • Réduire le périmètre fonctionnel à adresser. Des périmètres plus petits pour des équipes plus petites, mais plus nombreuses. C’est un bon moyen selon moi pour donner plus d’autonomie aux équipes et travailler de manière plus efficace, avec un interlocuteur unique côté Produit qui prend des décisions en alliant vision stratégique et tactique. Attention cependant à ne pas tomber dans la caricature avec des micro-équipes de 2-3 personnes avec pour conséquences la multiplication des interconnexions et l’éloignement du sens et de la valeur de la part des équipes. Tout est une question d’équilibre.
  • Avoir des développeurs autonomes. Avec des équipes de développement plus matures et impliquées, le PM peut se concentrer sur une vision macro et déléguer la partie détaillée, comme le découpage en US ou la validation de la qualité de développement. C’est notamment la philosophie poussée par Shape Up où le PM délaisse tout le Delivery à son Product Designer et son équipe de développement. Aux Etats-Unis, on voit déjà beaucoup d’organisations telles que celles-ci avec des développeurs matures s’intéressant aux problématiques business. Cela met encore plus en valeur l’importance de la Tech dans les entreprises sur les prises de décisions.

L’IA, toujours elle, se révèlera aussi être un vrai accélérateur dans ce changement puisque des tâches telles que le découpage d’US ou l’écriture d’US lui seront déléguées. 

#2 Le PM sera poussé vers plus de stratégie

Indice de confiance : 3/5

L’un des buzz de l’année 2023 côté Produit a été sans conteste le talk de Brian Chesky, co-fondateur et CEO d’Airbnb lors de la Figma Config 2023. Dans ce talk, il y donnait sa vision du rôle de PM qui sera aussi un rôle Marketing. Lever de boucliers pour certains, acquiescements pour d’autres, mon objectif n’est pas de remettre de l’huile sur le feu mais bien de servir de réflexion sur le positionnement du rôle de PM vis à vis du Marketing, et plus précisément de ce rôle de PMM en plein essor en France.

Hortense Bouzoud, Product Marketing Management Director chez Thiga, rappelle quelques éléments de contexte pour mieux appréhender le sujet :

  • Airbnb est un pure player B2C pour lequel le produit est fortement lié à la marque et donc la dimension "Marketing" du PMM en est réduite.
  • La culture américaine et la maturité des développeurs font que le rôle de PO n’existe pas, ces responsabilités revenant aux développeurs. Cela laisse la place au PM pour se rapprocher de sujets stratégiques et notamment marketing.

Le contexte organisationnel d'AirBnB laisse ainsi peu de place a un binôme PMM-PM et c'est naturellement que le PM étire son périmètre d'action vers le marketing. Comme le rappelait récemment Brian Chesky lui-même, “l’important est que la tech et le marketing travaillent en étroite collaboration, et cela qu’importe le titre et la personne.”  En plus de cela, AirBnB s’est réorganisé pour avoir moins de PMs mais des personnes avec une séniorité et un niveau de responsabilité plus élevés donc plus d’aspect stratégique et une attention plus particulière allouée aux sujets de Product Marketing.

D’ici à dire que le PM et le PMM vont (re)fusionner, il n’y a qu’un pas…

#3 Les profils seront plus expérimentés

Indice de confiance : 3/5

Longtemps, les parcours de carrières côté Produit se résumaient à Product Owner > Product Manager > Product Leader. Désormais, de plus en plus de rôles d’IC (Contributeur Individuel) émergent. “On ne valorise pas assez les possibilités d’évolution de carrière hors management, tant en termes de responsabilités que de salaires" confie Marion Darnet, agent de carrières Product. Au-delà du rôle de Product Ops dont nous avons beaucoup parlé en 2023 et qui sera toujours d’actualité, ce sont les rôles de Principal PM et Staff PM qui émergeront. Ces profils de PMs très seniors - avec des responsabilités plus proches de la stratégie et de la vision et une excellente connaissance du marché acquise au fil des années - apporteront une vraie valeur ajoutée à l’organisation et soulageront les Product Leaders dans l’animation d’une communauté.

“Less is more”. Tel pourrait être en conclusion le motto 2024 du Product Management. Moins de personnes (mais plus de séniorité), moins de features (mais les bonnes) pour plus d’efficacité et plus d’impact, tout cela boosté par IA. Et vous, comment voyez-vous le Product Management en France fin 2024 ?

 

Pour en savoir plus sur le métier : télécharger notre livre Les Clés du Product Management

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