Exploration facilitée, conception et priorisation accélérées... Les promesses de la genAI concernant la Discovery sont immenses ! Mais sans évolution des rôles et pratiques, ces promesses risquent de tourner court. Pierre Carpentier, expert en IA au sein des organisations, éclaire dans cet article les leviers de réussite et les pièges à éviter pour tirer le meilleur parti de cette révolution.
En 2010, le mouvement DevOps popularise une idée simple : développeurs et exploitants ne doivent plus se succéder, mais coopérer. Dopées par des avancées technologiques, les DSI se ruent sur les chaînes CI/CD, la containerisation, le cloud, l’observabilité… La promesse : des cycles dix fois plus courts, des mises en production quotidiennes, moins d’erreurs, et des équipes enfin proches de la valeur.
Sauf que là où l’on a seulement empilé les outils, les vieux démons sont restés : incidents qui se répètent, retards chroniques, équipes sous tension. La production reste l’affaire de quelques experts, on se « passe le bébé », les boucles de feedback ne fonctionnent pas, les bonnes pratiques restent cachées. Sans responsabilité élargie ni vision partagée, le DevOps n’a été qu’une automatisation locale.
La leçon est claire : la technologie met le pied dans la porte, mais seule une refonte organisationnelle durable (équipes autonomes, responsabilités redéfinies, montée en compétences) permet d’en récolter les fruits.
C’est exactement le défi qui se rejoue aujourd’hui avec l’IA générative dans la Discovery. Alors, comment éviter de se contenter d’outils brillants qui créent du bruit, et concrétiser cette promesse ?
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L’IA générative et les agents au service du Discovery
L’approche Produit, c’est simple : des équipes pluridisciplinaires, proches des utilisateurs, qui livrent vite de la valeur. Deux sous-systèmes, un même flux :
- Discovery : comprendre les besoins, formuler des hypothèses, imaginer des solutions, prioriser et préparer le backlog.
- Delivery : produire le code, tester, déployer, maintenir.
Longtemps, l’industrialisation a surtout concerné le Delivery. Le vrai tournant s’annonce désormais en amont : l’IA générative raccourcit la distance entre idée et conception. Mais, comme pour DevOps hier, la technologie n’a d’effet durable que si l’organisation évolue aussi.
Je vais donc éclairer ce que l’IA change concrètement dans le Discovery, pourquoi les agents IA y sont bien placés, et sous quelles conditions de rôles, de collaboration et de gouvernance cette accélération se traduit en valeur durable et tangible.
Les LLMs apportent des aptitudes inédites :
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Comprendre et synthétiser : capter l’essentiel d’un corpus hétérogène.
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Structurer et normaliser : organiser et classer des données brutes.
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Générer et explorer : produire idées, reformulations ou scénarios.
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Raisonner et décomposer : analyser un problème complexe, dégager les étapes, proposer un plan d’action.
Difficile de ne pas y voir un parallèle avec le rôle d’un Product Manager.
Or, les activités du Discovery reposent précisément sur ces capacités :
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Sonder & Révéler : transformer des signaux bruts en opportunités de valeur.
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Cadrer & Diagnostiquer : formuler une problématique claire et un diagnostic solide.
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Imaginer & Concevoir : générer des solutions, matérialiser les plus prometteuses.
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Expérimenter & Dérisquer : tester et prototyper pour valider les hypothèses risquées.
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Arbitrer & Prioriser : évaluer l’impact et trier le backlog.
Les LLM raccourcissent ce chemin. Ils transforment l’information brute en hypothèses claires et en pistes concrètes. Ils deviennent des amplificateurs naturels du Discovery.
Aujourd’hui, beaucoup de PM et Designers utilisent leur GenAI favorite avec une bibliothèque de prompts. Mais certaines organisations vont plus loin : elles développent de véritables agents IA, branchés sur le contexte Produit et directement intégrés aux outils des équipes.
Exemples concrets :
- Analyse utilisateur : préparer les scripts d’interview et analyser les transcriptions.
- Benchmark Produit : évaluer les fonctionnalités similaires de mes concurrents.
- Personae synthétiques : générer des profils réalistes à partir de données marché.
- Feedback utilisateur : produire des données qualitatives à partir des retours client vérifiés en ligne
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Exploration d’API : parcourir un catalogue interne de spécification et proposer leurs intégrations.
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Prototypage accéléré : relier Figma et code pour matérialiser vite une application.
Comme les outils d’automatisation ont industrialisé le Delivery (tests, qualité, CI/CD), ces agents fluidifient aujourd’hui la Discovery : ils accélèrent l’analyse, clarifient l’expression du besoin, et facilitent l’idéation collective.
Et avec leur capacité à comprendre et générer du code, ils brouillent déjà les frontières : là où il fallait des semaines, un prototype fonctionnel peut sortir en quelques heures.
L’agentic pour orchestrer l’intelligence
Un LLM seul reste passif. Un agent IA, lui, combine deux dimensions : comprendre et agir. Relié aux données Produit, intégré aux outils de l’équipe, il colle parfaitement au rythme de la Discovery, où l’on passe sans cesse de l’exploration à la formalisation.
On voit émerger plusieurs types d’agents : analyser des besoins, générer des artefacts, prioriser un backlog, construire un plan. Reliés entre eux et validés par l’humain, ils transforment une initiative en backlog priorisé. Comme la CI/CD a fluidifié le passage du code au déploiement, l’agentic peut fluidifier le passage de l’idée à la solution.
Agents IA : le vrai défi reste (encore) humain
Déployer une armée d’agents ne suffit pas. Comme pour le DevOps, l’accélération ne devient durable que si l’on repense la collaboration au quotidien. Qui décide ? Qui valide ? Comment la responsabilité se partage face aux résultats ? Tant que ces règles restent implicites, les agents restent des gadgets isolés. Intégrés dans les modèles opérationnels, ils peuvent en revanche démultiplier la capacité des équipes à explorer, apprendre et concevoir.
D’où cette question : comment vont évoluer les rôles ? Scrum Master, Product Ops, User Researcher, Designer… devront-ils devenir les architectes de réseaux d’agents (Agentic mesh), capables de configurer l’IA comme on prépare un workshop ?
L’impact sur les frameworks agiles
Les frameworks devront intégrer ces nouveaux patterns de collaboration humain-agent, comme ils l’ont fait hier avec DevOps. Les agents ne créent pas seulement de nouveaux rôles, ils imposent de nouvelles interactions :
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Human-in-the-loop : l’équipe fixe les règles et valide les sorties avant qu’elles n’alimentent le backlog. Reste à définir le bon niveau d’autonomie.
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Agent 24/7 : certains agents tournent en continu et assignent des tâches aux humains. Il faut donc poser des garde-fous pour éviter la surcharge.
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Feedback-loop : toutes les interactions de l’agent doivent être tracées. Ces données nourrissent une rétrospective pour améliorer prompts, contexte et règles.
Petit à petit, le tandem humain + agent devient une unité de travail à part entière. Comme le duo développeur/ops hier, il s’impose comme un standard. Les équipes Produit devront apprendre à fonctionner en synergie avec ces nouveaux compagnons, au risque sinon de voir leurs modèles organisationnels se fissurer.
La squad autonome qui livre une User Story toutes les deux semaines risque vite de paraître dépassée si elle n’intègre pas ces dynamiques. Car sans refonte organisationnelle, l’agentic ne produit pas de valeur : il génère surtout du bruit, et parfois une dette cognitive supplémentaire.
Attention aux fausses promesses
La transition vers l’IA générative suit la même logique que le DevOps : former les équipes, évaluer les processus, traiter les points de douleur, clarifier les attentes. Le tout dans une gouvernance agile avec le bon niveau de délégation. Comme hier, les gains attendus sont les mêmes (lead time, efficacité, qualité) mais il faudra aussi suivre les indicateurs humains : adoption, confiance, charge mentale, évolution des rôles.
Attention toutefois aux promesses d’efficacité. Réduire une campagne de tests de deux semaines à deux heures n’a pas supprimé le travail des testeurs : il s’est déplacé vers la maintenance des scripts. Les pipelines CI/CD instables continuent de hanter les développeurs. Avec les agents, le risque est similaire : dépendance accrue, erreurs qui se propagent vite, dette cognitive nouvelle. D’où la nécessité d’une observabilité appliquée à l’IA, comme le monitoring l’a été pour DevOps.
Si DevOps a industrialisé le Delivery en mariant automatisation et transformation culturelle, l’agentic promet d’industrialiser le Discovery sur la même équation. Mais les organisations gagnantes ne seront pas celles qui activent un plugin IA : ce seront celles qui redéfinissent rôles, responsabilités et métriques pour tirer parti du tandem humain-agent.
Ce bouleversement est moins visible qu’un bouton “Push to prod”, mais plus profond : il transforme la manière dont les idées naissent, sont sélectionnées et deviennent réalité. Comme hier avec DevOps, la technologie ouvre la porte ; reste à inventer les modèles de collaboration entre humains et agents.
Par où commencer ?
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Se former pour comprendre les possibilités et les limites de la GenAI.
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Intégrer des agents dans la Discovery pour résoudre des difficultés concrètes.
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Instaurer une gouvernance agile avec responsabilités claires et métriques adaptées.
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