Alors que l’urgence environnementale s’intensifie, de nombreuses entreprises se tournent vers la circularité pour réduire leur impact sur l’environnement. Cependant, elles font face à un défi de taille - faire de ce modèle un moteur durable sans sacrifier la rentabilité. Pour y parvenir, Decathlon mise sur un levier en particulier : le digital. De la location à la transformation de ses process internes, en passant par les services de pièces détachées, découvrez dans cet article comment l’enseigne s’appuie sur le digital pour réinventer son modèle et donner plusieurs vies à ses produits.
Imaginez un géant du retail qui tire un quart de ses revenus de la circularité. Vous trouvez ça utopique ? Pourtant, Decathlon espère concrétiser cet objectif ambitieux d’ici une décennie. De 3,5% aujourd’hui, l’enseigne aspire à atteindre 25 % de chiffre d’affaires lié à la circularité d’ici 2035. Un cap soutenu par une dynamique déjà visible : selon sa déclaration extra-financière 2024, le chiffre d’affaires de ces modèles a progressé de 10,4 % en un an, une croissance supérieure à celle des produits neufs.
Cette ambition est née d’un constat simple : il est inévitable de polluer lorsqu’on fabrique des produits. Or, si Decathlon s’est donné pour mission de “Move people to the wonders of sports” (soit permettre au plus grand nombre de profiter des bienfaits du sport), l’entreprise française assume aussi la responsabilité de protéger ses “terrains de jeu” : “Chez Decathlon, nous sommes conscient·es que nos activités ont un impact important sur notre environnement, un constat qui résonne d’autant plus fort pour une entreprise portée par des sportifs et des sportives.” souligne Magali Joncquez, Directrice Produits Digitaux de Decathlon. C’est pourquoi nous nous engageons à contribuer aux objectifs mondiaux de neutralité carbone, conformément aux accord de Paris, en réduisant de 90 % nos émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de la chaîne de valeur d’ici 2050, par rapport à 2021”.
Pour atteindre ses engagements de réduction d'impact environnemental, Decathlon a structuré son plan de réduction des émissions autour de quatre leviers. Parmi eux, la circularité, qui transforme en profondeur la manière de concevoir, distribuer et utiliser les produits. Reste un défi de taille : intégrer ce modèle dans les flux logistiques sans le transformer en gouffre financier. Dans cette équation, le digital apparaît comme l’un des catalyseurs permettant d’y parvenir.
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Réinventer le retail : le digital au cœur du virage circulaire
Pas facile de se mettre à la circularité, à plus forte raison quand, comme Decathlon, on est historiquement conçu pour fabriquer des produits neufs, les stocker puis les fournir aux clients. Mais les habitudes d’achat et d’usage évoluent : les clients veulent plus de flexibilité (location), plus de durabilité (réparer ou recycler plutôt que jeter), et plus de confort… Il faut changer de logique et passer de vendeur à acheteur ou loueur, récupérer les produits, les reconditionner, les catégoriser, leur attribuer un état, les réparer, les garantir… Autant d’évolutions qui demandent de collecter, traiter et utiliser beaucoup d’informations. Et c’est là que le digital révèle toute son utilité.
Magali Joncquez le résume ainsi : “Notre rôle est de concevoir des solutions qui n’existent pas encore, afin de réduire les freins à l’usage circulaire des produits en répondant aux problèmes rencontrés par nos clients et, plus largement, de faire évoluer l’écosystème. Ce qu’on vise, c’est que l’expérience soit la plus fluide possible pour le client : reprise, location, réparation... explique-t-elle, avant de prendre un exemple. En tant que sportive et en tant que maman, je sais que les besoins en matériels sont parfois ponctuels : un équipement encombrant dont on ne se sert pas souvent, un enfant qui grandit et dont le vélo est trop petit… Si on pouvait facilement louer ce dont on a besoin quand on en a besoin, ce serait tellement plus simple ! Et plus écologique… Là, le digital peut vraiment faire la différence, en rendant ces services accessibles en quelques clics, depuis un téléphone.”
Une expérience client repensée grâce au digital
Chez Decathlon, le digital est un rouage qui permet de faire tourner l’économie circulaire. Le “Passeport Produit Vélo” en est un bon exemple. Sous l’impulsion de Yannis Oumsalem, Data & AI Manager Thiga en mission chez Decathlon, les équipes ont travaillé à la création d'un lien entre les produits physiques et l’ensemble de l’écosystème de services Decathlon développé autour de la circularité. Accessible via un QR Code sur le vélo, le Passeport Produit Vélo est pensé comme un véritable touchpoint qui réunit toutes les informations sur un produit et valorise plusieurs dimensions : la traçabilité (caractéristiques techniques, historique d’entretien), l’e-commerce (recommandations personnalisées de produits et accessoires), et même les applications maison comme Decathlon Coach pour le suivi d’activité.
Depuis février 2025, c’est chose faite : tous les nouveaux vélos produits pour l’Europe sont équipés d’un QR code que le client peut scanner pour accéder au passeport Produit de son vélo. Ce dernier sera progressivement déployé sur d’autres produits et à l’international. Un moyen efficace de créer de la valeur autour de la circularité, en mettant en avant les services associés, souligne Yannis Oumsalem : “Par exemple, on facilite la venue des clients en atelier de réparation. Quand le service est proposé dans un magasin, le Passeport Produit Vélo permet d’accéder à un bouton ‘prendre RDV’ et de choisir le motif de sa visite. Côté atelier, le technicien peut consulter l’historique du vélo et les pièces détachées compatibles.”
Il faut tout penser en amont. Intégrer la circularité partout, à toutes les étapes.
La réparation des produits étant une part importante de la circularité, c’est logiquement que Decathlon propose ce service dans ses ateliers depuis l’an 2000. Pour permettre aux clients d’être plus autonomes et de maximiser le volume de produits réparés (tout en évitant de surcharger les ateliers et de rallonger les délais) le géant du sport a décidé de développer son offre de pièces détachées. Les équipes de Decathlon Digital ont donc été sollicitées pour mettre un coup d’accélérateur au self-repair, autrement dit tout ce qui touche aux réparations des produits directement faites par les clients.
Elettra Doglio, Product Marketing Manager Thiga, a été dépêchée chez Decathlon pour accompagner les équipes sur la phase de market research : travailler le positionnement sur le marché, identifier les concurrents, voir quelles étaient les alternatives pour les clients… Après une phase d’études quantitatives et qualitatives en binôme avec une Researcher, où elle se concentre sur le parcours d’achat, à la sensibilité aux prix et aux leviers business, Decathlon Digital conçoit un outil de compatibilité de pièces détachées pour les vélos.
“Les clients peuvent se rendre sur le site, entrer l’ID de leur vélo, puis l’outil leur propose directement les pièces détachées compatibles. Ce qui est par exemple très utile dans le cas de la chambre à air ! Beaucoup de clients ont du mal à identifier le modèle correct, et se trompent, explique Elettra Doglio, qui a également travaillé avec ses collègues sur le parcours de réparation en lui-même. En plus de proposer la bonne pièce, on a ajouté la fiche technique du produit et on a poussé des tutoriels vidéos spécifiques au modèle. Après tout, réparer un VTT et un vélo de ville sont deux choses complètement différentes !”, sourit celle qui, en tant qu’experte du Go-To-Market, s’est aussi penchée sur le lancement de l’outil en Allemagne et en Espagne.
Un défi digital global
Si les nouvelles fonctionnalités proposées par Decathlon à ses clients ont du succès, elles ne sont que la partie émergée de l'iceberg. La circularité ne concerne pas seulement le site, ou l’application de l’entreprise; l’intégralité de l’écosystème digital est concerné. Produits dédiés à la logistique, aux stocks… Tout y passe. “Il faut tout penser en amont. Intégrer la circularité partout, à toutes les étapes. Il faut continuer à générer de la croissance, et c’est toujours plus simple avec ce qu’on sait déjà faire. Là, il faut apprendre à le faire différemment”, résume Magali Joncquez.
Ce qui implique d’accompagner les équipes internes. “Pour embarquer les équipes digitales et que chaque collaborateur puisse comprendre l'impact sur ses propres produits, on travaille beaucoup sur le sens. On explique pourquoi on fait ça, ce que ça implique. Globalement, il y a une belle adhésion, se réjouit la Directrice Produit de Decathlon Digital.
Au vu de ses connaissances en Go-To-Market, Elettra Doglio a été sollicitée lors du lancement de la traçabilité des produits en atelier. Car lancer un produit en interne, “c'est comme lancer un produit auprès de clients, même s’il s’agit d’employés. Il faut qu’ils comprennent la valeur de la solution pour qu’ils l’adoptent, souligne-t-elle. Dans notre cas, il fallait convaincre les équipes d’identifier les clients via un QR Code, compatible avec l’outil, plutôt que par leur numéro de téléphone, ce qu’ils faisaient depuis des années. Ce que nous sommes arrivés à faire en travaillant avec les équipes de formation.”
Si les employés ne comprennent pas pourquoi changer, les alternatives sont légion : une page Excel, une feuille de papier… “Il s’agit de faire comprendre les bénéfices du changement à l’échelle de l’entreprise. Si les priorités du groupe ne se retrouvent pas dans les Business Units locales, c’est peine perdue”, conclut Elettra Doglio. Des priorités dont la circularité fait désormais partie.
Car si l’offre principale de Decathlon reste la vente de produits neufs, l’enseigne compte bien offrir une place de choix à l’économie circulaire au sein de son fonctionnement. Alors oui, la circularité représente de nouveaux flux logistiques, informationnels et financiers auxquels il faut trouver une place, parmi tous ceux qui existent déjà. Il y a des arbitrages à faire, qui ne tournent pas toujours en sa faveur - comme cette fois où Elettra Doglio se rappelle avoir vu les points de contact de son outil de compatibilité disparaître pendant les soldes au profit de promotions. Il n’en reste pas moins que la circularité a le potentiel de devenir un modèle où tout le monde est gagnant, les clients, l’entreprise et l’environnement. Surtout si le digital est là pour l’y aider.
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