“La discovery at scale, c'est avant tout un état d'esprit.”

  • mise à jour : 20 mars 2023
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Comment la discovery peut-elle être mise à l'échelle ? C’est la question que nous avons posée à Frédéric Dardion, Design Ops chez Carrefour. Fort de son expérience dans des grands groupes et des scale-ups comme Ankorstore, il nous partage ses enseignements.


Quelle est votre définition de la discovery mise à l’échelle ?

C’est la capacité à pouvoir collaborer avec différents départements et différentes équipes, au sein d'une même organisation. C'est aussi mettre en place une culture de l'expérimentation et de la recherche pour partager toutes les connaissances et les découvertes.


Pourquoi et quand la discovery a-t-elle besoin d'être mise à l'échelle ?

L'un des éléments déclencheurs est lorsque une organisation commence à grossir et qu'elle a de plus en plus d'initiatives parallélisées et non synchronisées. Imaginons par exemple deux entités, que ce soit un service marketing, les équipes support ou Produit. À cause d'initiatives similaires lancées chacune de leur côté, leurs activités sur la recherche et la discovery en général sont assez poreuses. Résultat, la connaissance est silotée. Voilà une très bonne occasion de mettre à l'échelle la discovery pour créer des ponts de collaboration et de communication entre les départements et les équipes.

La mise à l'échelle, c'est donc une opportunité pour mieux partager la connaissance utilisateur ?

Oui, mais ce n'est pas que ça. Je dirais qu’elle permet aussi d’améliorer la communication, la qualité des produits et surtout la qualité de la recherche, en partageant les découvertes. Ainsi, on va pouvoir accéder plus facilement à l'information et donc gagner du temps. Aussi cette mise à l'échelle va pouvoir créer un alignement avec les différents départements. Enfin, elle va permettre de réduire les risques sur les prises de décision qu'on va devoir faire à chaque échelle et pour chaque entité de l’organisation. C'est donc un win-win assez important ! Le résultat attendu est une organisation alignée sur une direction, une vision claire de ce que les équipes doivent produire.

L’impact apporté à l'organisation est important…

Oui, encore faut-il réussir à embarquer le maximum de départements et de services dans cette démarche... Et rien ne peut se faire sans la mise en place d'une culture partagée à l'échelle de l'organisation. C'est vraiment ça la clef ! Pour résumer, c'est avant tout un état d'esprit axé sur l'expérimentation - apprendre de ses erreurs le plus tôt possible par exemple - la découverte et le partage d'informations afin de rationaliser les efforts.

Est-ce que la pratique de la discovery est la même selon les entités de l’organisation ?

La question est intéressante car la discovery peut prendre plusieurs formes mais l'observation reste toujours l'activité principale, quelque soit l’organisation. Côté Produit par exemple, on va mener des interviews, analyser un certain nombre de données sur des sujets précis pour pouvoir répondre à des enjeux à court terme. En revanche, côté marketing, on aura tendance à se focaliser sur l'analyse de données de marché ou la connaissance des concurrents, essayer de mieux comprendre le comportement et les besoins des consommateurs. Dans ce cas, on va plutôt être sur des enjeux à moyen et long terme.

La discovery s’applique-t-elle de la même manière dans une scale-up ou dans un grand groupe ?

Oui et non. Dans une scale-up par exemple, l'acceptation du risque ou la rapidité de prise de décision est beaucoup plus importante que dans un grand groupe. On pourrait donc croire que c'est plus simple de la mettre en place. Mais attention, il y a un écueil à tout ça... Comme tout va très vite, il faut bien communiquer les informations et les connaissances captées lors des recherches. Quand j'étais Head of design and research chez Ankorstore, marketplace B2B, on apprenait beaucoup de nos erreurs et rapidement. C'est l'un des avantages des scale-ups : les cycles d'itération rapides permettent de s'améliorer en continu et d’avoir de meilleures flexibilités dans les prises de décision. Je me souviens dans un premier temps avoir partagé des présentations de discovery assez détaillées. Le souci est que c'était trop long et compliqué à digérer pour les équipes. La décision avait donc été prise de partager plus régulièrement des formats courts, comme des take away. Cela nous a permis de mieux capter l’attention avec les éléments clés, tout en donnant accès aux détails.

La discovery est très dépendante de l'expertise de chacun

Qui prenait part à cet exercice ?

Les membres les plus actifs étaient les Product Managers (PMs), les Product Designers (PrDs) et les Product Marketing Managers (PMMs). Mais on avait aussi des personnes du service support ou des commerciaux qui nous apportaient pas mal d'informations. Toutes ces personnes étaient dans la boucle, en relecture de la documentation et de toutes les phases de recherche de la partie discovery.

Comment étiez-vous organisé ?

Avant toute chose, il est important de rappeler que la discovery est très dépendante de l'expertise de chacun. Si on a envie de mettre rapidement à l'échelle cette démarche, il faut d'abord identifier les experts sur ces activités. Cette communauté va pouvoir maintenir le niveau de qualité et faire monter en compétences l’ensemble de l’organisation. C’est pour moi un prérequis. En effet, on a tous des parcours différents au sein du Produit avec divers niveaux d’expertise sur la research. Il faut trouver un équilibre et avoir l'humilité de se dire qu'il y a toujours une personne dans l'équipe qui va avoir un leadership beaucoup plus important sur ces phases-là. La différence se fait sur l'expérience et le background pour pouvoir mener la recherche correctement, sans jamais oublier d’embarquer les membres de l'équipe. La complémentarité des expertises permet d’avancer vite et avec un maximum d'impacts sur chacune des phases (cadrage, mise en place du protocole de recherche, analyse et partage). En ce sens, les Product et Design Ops ont un rôle à jouer en termes de coordination et de partage des pratiques.

Pour ce qui est de l'organisation, je vais entrer dans un stéréotype très fort, mais c'est généralement ce qu'on peut observer : le Product Manager a une grande capacité de management et d'organisation. Il va donc pouvoir donner le rythme et faire avancer cette discovery dans les meilleures conditions. Qu’on soit PM, PrD ou PMM, on a tous un rôle complémentaire sur les activités de recherche. Il faut donc trouver l'équilibre et se demander comment chacun peut apporter un maximum de valeur.

Quel est le dernier sujet de discovery que vous avez mené chez Ankorstore et pourquoi a-t-il été porté de cette façon?

C'était le lancement d'une application native. En analysant la concurrence, on s’était aperçu que ce territoire-là était marqué par nos concurrents, très présents sur les stores Apple et Android. La question posée était : quel est le positionnement qu'on souhaite apporter ? Le champ de découvertes était assez large et on a fait l’effort de ne pas être figé sur nos solutions ou nos idées reçues au départ. On a pris soin de bien cadrer la phase de discovery en amont. On a donc posé le contexte, les problématiques, les enjeux et on a mis en place un certain nombre d'hypothèses qu'on voulait creuser, tout en s'appuyant sur la donnée de comportements de nos utilisateurs sur le site existant. Définir le cadre d’une recherche est primordial pour pouvoir avancer vite et être clair sur les enseignements à tirer. Cette façon de faire nous a permis de décider s’il fallait poursuivre ou arrêter la phase de discovery.

Pour conclure, si nos lecteurs désirent mettre en place une organisation de discovery à l'échelle des équipes et des organisations, quelles seraient vos recommandations ?

Mon premier conseil est d'identifier les personnes qui font déjà de la recherche dans l'organisation. Mon deuxième est de centraliser la connaissance à un endroit précis. Mon dernier conseil est de partager, à chaque phase de discovery, les bonnes pratiques et les livrables qui vont permettre d'avoir des points de référence.

Propos recueillis par Julien Négui.

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