Etam fait le pari du full-stack. En fusionnant les rôles de PM et PO, le groupe de prêt-à-porter opère un virage stratégique pour fluidifier l’organisation et responsabiliser ses équipes. Un changement mené en douceur, mais profondément transformateur. Objectif : gagner en efficacité, renforcer la culture Produit… et embarquer tout le groupe. Dans cet article, découvrez les coulisses de cette transformation.
Chez Etam, on n'a pas peur du changement. Ces dernières années, le groupe de prêt-à-porter présent dans une trentaine de pays n’a pas hésité à bousculer son organisation dans sa quête d’une structure plus agile, plus efficiente. Parfois de manière assez abrupte. Alors quand la Lead PO du groupe décide de plier bagages, Etam y voit une opportunité. Celle de faire du poste de Product Owner une compétence, en passant à un modèle PM full-stack. Mais plutôt que de faire le choix de la rapidité, les équipes vont pour la première fois faire celui de la douceur. Le but : se transformer, durablement.
Un passage de relais compliqué
Pendant plusieurs années, l’organisation de la Digital Factory d’Etam, une entité transverse au service de plusieurs enseignes du groupe (Etam, Undiz, Maison 123 et Livy) au sein d’une DSI, est assez classique. Elle pilote l’ensemble des produits digitaux B2C et B2B : sites e-commerce, applications mobiles, outils métiers… On y retrouve d’un côté des Product Managers responsables de la stratégie, construisant la roadmap, menant la discovery, rencontrant les utilisateurs et validant les hypothèses. De l’autre, des Product Owners qui prennent ensuite le relais du delivery, en cadrant les solutions, en faisant le suivi avec les développeurs et en s’assurant que les tickets ont bien été compris. En fin de course, le PM revient vérifier que ce qui a été développé correspond bien à la vision initiale. Une organisation limpide en théorie.
Le hic, c’est que ce passage de relais n’est pas toujours fluide. N’ayant pas été impliqué en amont, le Product Owner n’a pas toujours les éléments de contexte nécessaires, ou la même analyse que le PM. Et sa marge de manœuvre est réduite. Résultat, des pertes entre la discovery et le delivery, et un parcours utilisateur potentiellement haché. “En cas de contrainte technique, le PO prend des décisions seuls. Lorsque le PM revient dans la boucle, il se rend compte que le produit fini ne correspond pas forcément à ce qu’il a imaginé. Et là, c’est trop tard.” raconte Clarisse Delubac, qui occupait le rôle de Lead PM dans cette organisation à deux têtes. “De son côté, le PO arrive tard dans le projet, et se retrouve à défendre une solution qu’il n’a pas coconstruite.” Une dilution de la responsabilité de part et d'autre, qui finit par créer des incompréhensions, puis des désaccords. Voire des tensions.
Le départ de la Lead PO d’Etam sert de déclic. Pourquoi ne pas casser cette chaîne ? Pourquoi ne pas donner la responsabilité à une même personne, de bout en bout ? Rapidement, les équipes sont sondées. “On savait que c’était un changement important, mais on savait également que certains PM avaient des connaissances côté delivery et certains PO semblaient intéressés par la dimension stratégique et la discovery.” note Clarisse Delubac. “On a donc décidé de formaliser cette transition, en faisant évoluer les PM et les PO vers un poste de PM full-stack.” Un projet ambitieux, mais qui n’a rien de simple. “Il fallait changer les postures. Quand on vient d’un rôle ancré dans le delivery et très marqué par les contraintes techniques, on a tendance à tout voir par le prisme de la faisabilité. Il fallait repartir de l’utilisateur, oser expérimenter. Ce changement d’état d’esprit a sans doute été le plus difficile. Pour que ça marche, il a fallu l’accompagner”. Pour ce faire, Etam a recours à un cabinet de conseil : Thiga.
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Le choix de la douceur
Sarah Djellouli est experte en organisation Produit chez Thiga. C’est elle qui est dépêchée chez Etam pour accompagner la transition. Elle a alors deux objectifs : reconnecter le produit à la valeur business attendue, et répondre à la demande des équipes d’avoir des scopes plus larges et des missions plus intéressantes, pour favoriser leur engagement, leur rétention… En un mot, leur impact.
Chez Etam, rien ne laissait présager une transition en douceur. “On n’est pas du genre à faire les choses à moitié”, confie William Magalhaes, Lead CX au sein du groupe. “Historiquement, les changements sont plutôt francs, parfois un peu brusques. Mais cette fois, on a voulu faire les choses autrement.” C’est dans cette logique qu’ils ont fait appel à Thiga. Un choix assumé, pour réussir un changement d’organisation sans casser la dynamique des équipes.
La première étape est donc de poser noir sur blanc ce qu’on entend par “PM full-stack”. Quelle est la fiche de poste idéale ? Une fois cette dernière définie, il faut savoir où en sont réellement les équipes. Il est donc demandé aux PM et aux PO de s’auto-évaluer sur une grille de compétences, afin qu’ils prennent le temps de se situer par rapport à l'objectif à atteindre. "À partir de là, on a pu construire un plan de formation sur mesure”. rapporte Sarah Djellouli. Bonne nouvelle : toutes les compétences nécessaires pour devenir un PM full-stack existent déjà en interne ! “Les PM ont formé les PO sur les dimensions stratégiques et la discovery. Et inversement, les PO ont formé les PM sur leurs domaines de compétence, orientés cadrage, delivery et pilotage opérationnel”.
Un PM qui conçoit et livre son sujet, c’est un PM qui se sent responsable
Après la formation, place à la pratique : Etam met en place un dispositif de coaching croisé entre PM et PO, pendant trois sprints. Chaque binôme travaille sur un sujet concret, en immersion dans le quotidien de l’autre. Le PM accompagne la phase stratégique, roadmap et discovery, tandis que le PO suit les aspects opérationnels, delivery, cadrage, coordination avec les développeurs, gestion du sprint. Cette mise en situation fait bouger les lignes. “Ça a permis de sortir les PO de leur réflexe faisabilité, se souvient la consultante. Ils étaient confrontés à des situations où ils devaient penser valeur, se poser les bonnes questions en amont, avant même de savoir si c’était faisable.” Inversement, certains PM découvrent que “suivre une user story jusqu’en prod, gérer les imprévus, c’est aussi un vrai job en soi. ” Les échanges sont francs, parfois déstabilisants, mais riches. “Il y a eu beaucoup d’humilité dans les binômes”, souligne encore Sarah Djellouli. “Et ça a fait émerger des affinités très différentes, ce qui nous a permis d’anticiper pas mal de frictions possibles.”
Le PM accompagne la phase stratégique, roadmap et discovery, tandis que le PO suit les aspects opérationnels, delivery, cadrage, coordination avec les développeurs, gestion du sprint. Cette mise en situation fait bouger les lignes. À l’issue de cette phase, l’organisation bascule officiellement en full-stack. Les PO deviennent PM à part entière, responsables de bout en bout — de la discovery à la mise en production. Pas de saut dans le vide : l’accompagnement reste fort, les points réguliers permettant de sécuriser la transition. “On ne voulait pas brusquer les gens. Certaines personnes avaient besoin de temps, d’autres de clarification sur leur nouveau périmètre. Et c’est complètement OK.” Le mot d’ordre est clair : pas d’uniformisation, mais une clarification des rôles. “Être full-stack, ça ne veut pas dire être expert en tout, mais être capable de tenir la chaîne sans rupture”, rappelle l’experte en transformation Produit. Chaque PM garde ses forces, sa sensibilité, mais assume désormais l’ensemble du scope. Et ça change tout.
Une organisation repensée
Six mois plus tard, Etam fonctionne en deux grands ensembles : une équipe Produit composée des PM full-stack, sous la houlette de Clarisse Delubac, et une équipe Customer Experience, comprenant des Product Designers, des spécialistes de la data et des Conversion Rate Optimizers (CRO). William Magalhaes est responsable de cette deuxième équipe. Il a été le témoin privilégié de ce changement de fonctionnement. Alors que dans l’ancien modèle, le Product Manager était au centre de la discovery, la bascule vers le full-stack a rebattu les cartes.
“Maintenant, les PM sont également pris par le delivery et ne sont plus dédiés à 100% à la partie stratégique. Résultat : la discovery est davantage partagée au sein des différents profils”, raconte-t-il. Cette redistribution a deux effets majeurs. D’abord, elle pousse les Designers à prendre plus de responsabilités “Les Designers font aujourd’hui plus de recherche qu’avant. Soit sur des sujets très précis liés à la qualité en production, soit sur des explorations plus globales.” L’idée : garder le cap sur l’utilisateur, même quand les PM sont accaparés par la prod. Ensuite, cette évolution bénéficie aussi aux profils plus transverses. “Ça laisse de la place à des rôles comme les CRO, qui vont prendre en main des sujets de Product Analyse ou de recherche”.
Moins de silos pour plus d’impact
La bascule vers le modèle full-stack a permis de fluidifier l’organisation en profondeur. “Le premier gain, c’est l’efficacité, souligne Clarisse Delubac. Il y a moins d’allers-retours, moins de friction. Le PM suit son sujet de A à Z, donc il a toutes les clés, tout le contexte.” Une simplification qui favorise des arbitrages plus rapides, une meilleure anticipation des risques… et moins de temps perdu à recoller les morceaux.
Au-delà des process, c’est aussi l’engagement des individus qui évolue. La Lead PM le dit sans détour : “Un PM qui conçoit et livre son sujet, c’est un PM qui se sent responsable. Il porte son produit. Il s’implique. Il va au bout des choses.” La nouvelle organisation répond aussi à un écueil de l’ancien modèle : les ruptures de contexte entre discovery et delivery. William Magalhaes l’explique : “Avant, entre la recherche et la mise en prod, il pouvait se passer entre trois et quatre mois pour les petits sujets, et entre six mois et un an pour les sujets plus importants. Le site, le marché, les priorités… tout avait changé.” Désormais, “comme le PM est impliqué dans les deux phases, il garde une cohérence dans l’interprétation des besoins“. Résultat : moins de distorsion entre l’intention initiale et le produit final.
Cette bascule vers un modèle full-stack n’est pas juste une décision organisationnelle. C’est un vrai signe de maturité Produit
Enfin, le modèle full-stack agit comme un révélateur de potentiel. “Il y a aussi un bénéfice pour les anciens PO, qui ont gagné en vision”, note Clarisse Delubac. “Avant, ils étaient dans les tickets. Maintenant, ils lèvent la tête, comprennent les enjeux, voient l’impact utilisateur.” Un changement de posture salutaire, qui redonne du sens et ouvre de nouvelles perspectives. William Magalhaes, lui, salue aussi un autre effet collatéral : une plateforme plus saine, avec moins de bugs. “En renforçant le delivery, on gère mieux les urgences. C’est un parti pris : une discovery efficace commence par un produit stable.”
Petite équipe, mais grandes ambitions
Pour Sarah Djellouli, ce changement d’organisation est avant tout le reflet d’une évolution plus profonde : “Cette bascule vers un modèle full-stack n’est pas juste une décision organisationnelle. C’est un vrai signe de maturité Produit.” L’entreprise passe d’une logique de responsabilités fragmentées à un fonctionnement plus intégré, plus clair, plus responsabilisant. Un cap qui témoigne d’une culture Produit qui s’affirme : “L’organisation montre qu’elle fait confiance à ses équipes, qu’elle est prête à investir dans leur développement, à les accompagner dans leur montée en compétences.”
Aujourd’hui, la Digital Factory d’Etam regroupe 40 personnes, au sein d’une DSI de 100 collaborateurs, dans un groupe de 900 salariés. Le modèle full-stack permet de livrer avec plus de fluidité, mais aussi de mieux connecter les métiers, le marketing, le design. “On est une petite équipe Produit dans un grand groupe, mais on avance vite”, sourit Clarisse Delubac.
Pour elle comme pour William Magalhaes, l’enjeu est désormais clair : faire rayonner cette culture au-delà de la Digital Factory. Le modèle full-stack n’est pas une fin, mais un socle. Ce que visent les équipes aujourd’hui ? Une organisation plus fluide, des décisions fondées sur des insights — et un partage de la culture Produit à l’échelle du groupe. En montrant par l’exemple.
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