Leaders dans le Produit : où sont les femmes ?

  • mise à jour : 08 mars 2024
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Marion Darnet est la fondatrice de Pachamama, collectif d'agents de carrière dans le Produit. Elle est aussi à l’origine de L’Avant-Garde, une communauté de 100 femmes Head of Product et CPO. Dans cette tribune, elle jette un pavé dans la marre dans un seul but : une prise de conscience collective.

“Encore une de ces féministes qui va nous parler de diversité alors que fondamentalement, il est où le problème ?” Rien qu’à l’évocation de cette tribune, j’entends déjà certains protester.

C’est vrai ça, de quoi je me plains exactement ?

Après tout, on m’a vite fait confiance et j’ai eu une belle évolution de carrière en tant que PM/Head of Product. Il est vrai aussi que je n’ai pas eu à me battre pour voir mes salaires augmenter au gré de mes expériences accumulées. J’ai même vécu des croissances très rapides avec des équipes aux États-Unis et en Asie. J’ai créé des supers binômes de travail avec mes pair·e·s, boss, Lead Dev, CTO, founders, etc. Enfin, j’ai vécu des aventures humaines incroyables chez Wonderbox, Synthesio et Privateaser.

Alors, “il est où le problème ?”

Pendant longtemps je me suis contentée de “ça”, m’estimant déjà chanceuse “pour une femme dans la Tech” ! Et peu importe mes expériences, parfois affligeantes, vécues dans le monde du Produit. Vous voulez des exemples ?

Je me souviens de ces séminaires où la stratégie Produit se décidait sans moi, en mode “cigares et boys club”. Je me rappelle de cette tentative de putsch d’un N-1 qui n’avait pas supporté que je lui ravisse le poste. Et que dire de ces réunions où j’étais la seule femme et des remarques sexistes qui allaient avec ? Je ne compte pas non plus le nombre de fois où j’ai dû préciser ne pas prévoir d’avoir d’enfant pour décrocher des emplois en startups. Enfin, toutes ces questions sur mon apparence : sous entendu “dois-je jouer un jeu de séduction pour être reconnue, conviée ou acceptée, voire même promue à telle réunion stratégique ?”

J’avais 25 ans, j’étais en train de me construire en tant que leader, mais surtout en tant que personne. Et à l’époque, je cherchais à comprendre les règles du jeu pour rentrer dans les cases plutôt que de chercher à me comprendre moi-même, ma sexualité incluse : quelle femme suis-je ? Quelle femme dans le Produit ai-je envie d’être ? Quel type de leader ? Dans quel type d’entreprise ? Quelles compétences ai-je envie de développer ?

Parce qu’on nous apprend à jouer les bonnes élèves, à ne pas trop se mettre en avant et à nous taire. Parce que le système est historiquement construit ainsi.

La parité c’est “ok”, mais seulement en bas de la pyramide

Revenons-en maintenant au macro avec quelques chiffres. Oui, c’est vrai, la parité hommes-femmes est plutôt “ok” dans le Produit, grâce notamment aux disciplines telles que le Product Design et le Product Marketing, plébiscitées par des femmes.

Si la dernière étude La Product Conf (LPC) de Thiga révèle que le monde du Produit est composé de 54% d’hommes, le gros problème se situe en haut de la pyramide. Vous savez, là où se situent les plus gros salaires, là où se prennent les grandes décisions stratégiques sur l’entreprise, les équipes, la culture… Toujours selon cette étude, les Product leaders (CPO, VP Product, Head of Product), disposant de la plus grande expérience, sont majoritairement des hommes (63% / 35%).

Quant aux métiers soi-disant plus “féminins” (Product Designer, Product Marketing Manager…) et qui comptent de nombreuses contributrices individuelles, qui retrouve-t-on toujours en haut de la pyramide ? Je vous le donne en mille : des hommes… Et quid de FrenchCPO, la communauté des +200 tops CPO de l’écosystème français ? On compte seulement 18% de femmes.

Le problème, il est là !

J’admets avoir été sceptique la première fois que Caroline Ramade de 50inTech a communiqué sur la fameuse statistique : 1 femme sur 2 quitte la Tech à 35 ans. Je pensais que c’était exagéré...

Depuis que j’ai co-fondé L’Avant-Garde, la communauté de femmes leaders dans le Produit, je dois admettre la réalité du terrain. Avec Emmanuelle Thomas, ex-Head of Product de Netatmo et désormais entrepreneuse, nous avons lancé la communauté que nous aurions aimé avoir à l’époque où nous sommes passées Head of pour la première fois. Nous avions de nouveaux défis professionnels à relever suite à nos évolutions, avec une réelle absence de rôles modèles et de femmes à des postes similaires avec qui échanger.

La première promo en 2022 rassemble plus de 50 femmes leaders. Toutes ont alors le potentiel de devenir les nouvelles Amandine Durr (CPO de Backmarket) ou Isabelle Bénard (CPO de Mirakl), rôles modèles que l’on a eu l’honneur de recevoir dans notre communauté privée.

Au lieu de continuer à monter les échelons dans la Tech et le Produit, certaines choisissent de mettre leur énergie et leurs talents incroyables ailleurs, au service de projets différents. Je pense par exemple à Caroline Ducharme, co-fondatrice historique de L'Avant-Garde, qui a quitté un poste de CPO pour s’engager dans la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC).

Les reconversions, on n’en parle peu dans le Produit qui reste un métier plébiscité. Pourtant, elles sont bien là.

Quelles en sont les raisons ? Voici par exemple ce que confie Armelle (le prénom a été modifié pour préserver son anonymat), ex-Head of Product sur un SaaS B2B, désormais sortie de la Tech: “J’ai subi ce que j’appelle “une présomption d’incompétence” sur mon poste. J'avais le sentiment de devoir sans cesse prouver ma légitimité, d’autant que des décisions organisationnelles et stratégiques allaient à contre sens d’une logique Produit. Avant et après moi, 3 hommes ont occupé le poste en tant que VP Product, avec une rémunération différente de la mienne et - évidemment- une présomption de compétence dès le départ….”

Pourquoi Armelle n'a-t-elle pas eu envie de continuer sa carrière Produit ailleurs ? “Quand ton entreprise n’est pas encore orientée Produit, tu dois éduquer en permanence. Ce besoin de pédagogie, c’était ma source de fatigue principale. Le manque de reconnaissance associé à cette charge m’a écoeuré de mon poste.” Voilà pourquoi Armelle est aujourd’hui en reconversion dans la protection des droits de l'enfance et de la famille.

La recherche d’impact et de sens est une autre raison qui pousse les femmes à changer de voie. La bonne nouvelle ? Certaines d’entre elles continuent de développer leur carrière dans le Produit tout en allant chercher plus d’impact positif. Je pense à Julie Beaujoin Prieur, ex-CPO de Happn, qui a pris des risques en rejoignant une toute petite startup sur un produit à impact, pour enfants DYS. Mais aussi à Marion Turbet, ex-CPO d’Epsor, qui vient de rejoindre l’association en hyper-croissance 1001 mots.

Voir émerger de nouveaux rôles modèles de leadership pour les femmes, telle est la mission de L’Avant-Garde.

Le plafond de verre n’est pas un mythe

Plusieurs explications reviennent souvent sur le manque de femmes dans la Tech :

  • Les stéréotypes de genre jouent un rôle important dès le plus jeune âge, influençant les intérêts et les choix de carrière. La Tech, à l’origine un monde d'ingénieurs, est souvent perçue comme un domaine masculin ce qui peut en décourager certaines d'y faire carrière.
  • Le manque de modèles féminins réussissant dans le secteur contribue à l'impression qu'il n'est pas fait pour les femmes.
  • Le manque de mentorat et de réseaux de soutien peut rendre difficile l'accès aux opportunités de carrière et la progression professionnelle.

Mais ça, vous le savez déjà…

De mon expérience spécifique dans le Produit, je constate surtout que le fameux plafond de verre est toujours là. En témoigne cette pépite du Produit, HoP d’une scaleup du Next40, fauchée en pleine évolution pour cause de sexisme avéré : “Je ne sais pas si je souhaite continuer sur ce type de poste de leadership ou bien redevenir Product Manager IC. J’adore la stratégie et le management, mais je ne veux pas revivre ce que j’ai vécu.”

Pour une autre senior Product Manager, c’est un incident mettant en cause le co-fondateur d’une licorne qui a freiné sa carrière, alors en plein essor : “C’était compliqué à assumer alors que, in fine, c’était moi la victime… Et je me suis posée des questions comme : “est-ce que j’étais vraiment compétente sur mon poste ?” J’avais juste envie d’être jugée sur mes compétences, pas sur mon physique.”

Ayant souhaité garder l’anonymat, cette femme prend la parole pour dénoncer un écosystème pas toujours aussi moderne qu’il en a l’air : “Dans la Tech, tu as souvent ce problème d’impunité parce que les founders se connaissent tous très bien et se protègent entre eux.” Si le but de cette tribune n’est pas de faire de généralités sur les fondateurs de startups, simplement de dénoncer des fonctionnements systémiques toxiques, qui dégoûtent les femmes.

Déborah Pillet, Product leader de Mangopay, ex-Quicksign, résume dans le podcast New Work City (épisode 43) comment se manifeste ce phénomène. Après 15 ans de carrière dans le Produit, elle met en évidence les défis rencontrés par les femmes qu'elle a côtoyées : questionnement sur le bon moment pour faire un enfant et risques potentiels sur sa carrière (alors que les hommes ne se posent jamais cette question), réduction ou modification de périmètre au retour d'un congé maternité, lutte contre le plafond de verre pour monter dans la hiérarchie...

Une autre hypothèse que je remarque via mon activité avec Pachamama, collectif d'agents de carrière Tech, Data et Produit, est que les femmes arrivent moins bien à valoriser leur travail. Armelle, la Head of Product en reconversion, confirme : “Avec le recul, je me rends compte que je n’avais pas passé assez de temps pour mon marketing personnel. J’étais dans un cercle vicieux à vouloir combler les manques de ma direction sur l’absence de vision et bien faire mon job… Au détriment de mon marketing en interne.”

Pour Sylvain Grande, CPO chez PayFit et très engagé sur les questions de diversité et d’équité, c’est un biais : “Sans vouloir faire de raccourcis - toujours dangereux sur ces sujets-là - et tout en restant nuancé, j’ai le sentiment que les femmes sont moins à l’aise pour se mettre en avant. Sauf que le “fameux” syndrome de l’imposteur, notamment quand on “monte”, existe tout aussi bien chez les hommes ! La différence est que les femmes ont une tendance générale à avoir plus d'empathie ou de capacité relationnelle, etc… Et comme ce sont des hommes en face, ça ne les aide pas forcément. Le danger est qu’elles restent dans une sorte d’engrenage.”

Et s’il n’y avait pas, au final, un double plafond de verre dans le Produit ?

Le premier, pour passer d’un poste de IC à Head of Product. Pour être brisé, il requiert des femmes une mise en avant de leur travail, de leurs compétences et d’oser demander des promotions.

Puis, vient le second plafond de verre pour passer de Head of Product à VP/CPO, plus compliqué à briser car beaucoup plus systémique. Une HoP de scaleup B2C bien connue révèle son expérience : “À ce stade, mettre en avant son travail n’est plus suffisant. On demande aux femmes de maîtriser des codes masculins. Donc soit tu restes toi-même et tu ne brises pas ce plafond de verre, soit tu mimes le comportement des hommes pour être reconnue en tant que leader. Je suis face à ce plafond de verre car je n’ai pas envie de développer mon ego - comme on me l’a demandé - ni de changer mon comportement.”

“La diversité aide à créer des produits plus riches. C’est juste du bon sens business d'avoir de la diversité dans ses équipes et à tous les niveaux de la hiérarchie.”

Sylvain Grande, CPO de PayFit

Alors, à qui la faute ? Il serait facile de pointer du doigt un type d’organisation, de modèle ou de profil pour expliquer le manque de femmes leaders dans la Tech. Mais une chose est sûre : l’entreprise dans sa globalité a son rôle à jouer. Un chiffre pour résumer ça ? 47% des femmes de la Tech pensent que leur entreprise n’agit pas assez sur la parité (Women in Tech / WebSummit 2023, + 21% par rapport à 2022). Les entreprises sont responsables des produits qu’elles créent, ce sont donc à elles de garantir que la diversité, sous toutes ses formes, soit bien prise en compte dans le processus de création.

Faire des produits à succès qui rencontreront leurs marchés, ce n'est pas un sujet homme-femme. Sylvain Grande abonde : “La diversité aide à créer des produits plus riches parce que les utilisateurs·trices sont tous·tes sur des segments différents. Dans la majorité des produits, 50% des utilisateurs sont des femmes et tu peux faire ça sur tous les segments et te dire : c'est juste du bon sens business d'avoir de la diversité dans ses équipes et à tous les niveaux de la hiérarchie.”

Netflix a parfaitement compris le lien entre performance business et inclusion. Dans son premier rapport sur l’inclusion (2021), l’entreprise américaine confie que sa culture d’entreprise “associée à davantage de diversité et d'inclusion stimule la capacité à innover, à faire preuve de créativité, à résoudre des problèmes.” Concrètement, les salariés sont invités à se poser la question de la diversité pour anticiper les manques, et y remédier : “Nous appelons cela un "prisme d'inclusion" conduisant les employés à poser des questions comme : "Quelle voix manque ?" ; "Qui est exclu ?" ou "Notre représentation est-elle fidèle ?" écrit l’entreprise américaine.

Sur ce point, les États-Unis sont en avance et nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins outre-Atlantique (on pourrait aussi s’inspirer davantage de nos voisins allemands ou nordiques) sur les sujets de diversité. Le CPO de PayFit, qui a fait une grosse partie de sa carrière à New York, confirme : “Aux US, on en parle beaucoup plus et plus on en parle, plus ça rentre dans la tête des gens. Et il faut connaître les biais. Le Produit, c'est un métier qui existe depuis plus de15 ans aux US et peut être 5 ou 10 ans en Europe. Historiquement, je pense qu’il y a un plus gros décalage de maturité entre les États-Unis et la France sur la partie Produit que sur l’ingénierie par exemple. Même si sur le sujet diversité, la partie Engineering de la “Tech” devrait s’inspirer du Produit et du Design notamment…”

Moins de maturité = moins d’acceptation de diversités dans les parcours ou dans les formations. Et ça aussi, ça pénalise les femmes.

Il faut donc remonter à la source : si on veut que certaines femmes parviennent à se hisser tout en haut de la pyramide, il en faut beaucoup plus à la base. Pour faire bouger les viviers, il existe des outils simples. Pourtant, beaucoup d’entreprises françaises ne les ont toujours pas mises en place. Il sont pourtant connus de tous·tes, mais ils nécessitent une réelle volonté, un réel engagement (et du courage…)

Voici 5 initiatives concrètes décidées par des entreprises qui marchent selon moi. Elles peuvent contribuer à augmenter le vivier de talents féminins et les aider à briser le plafond verre :

1/ Égalité salariale : cela met souvent en lumière que les hommes sont mieux payés que les femmes. Les entreprises qui mettent en place cet outil de transparence doivent augmenter les salaires de certaines femmes sous-payées avant de communiquer une telle grille… Preuve que cela fait bouger les lignes.

2/ Parcours carrières et promotions : mettre de l’objectivité dans les possibilités d’évolution, c’est s’assurer que les femmes auront les mêmes chances d’évoluer que certains hommes qui ont plus de facilité pour négocier ou valoriser leur travail.

3/ Flexibilité : chez Scaleway, Blablacar ou Decathlon par exemple, certains C-levels bloquent leur agenda à partir de 17h avec la mention “family time”. Un signal fort qui ouvre la voix car oui, tous les salariés peuvent aussi prendre ce temps pour leurs familles.

4/ Sponsoriser les top talents féminins : quand vous avez, en interne, une femme performante et à haut potentiel qui a envie de prendre la parole, c’est votre devoir de l’accompagner en lui offrant du coaching, du mentoring ou des formations de management, de leadership et de la mettre sur le devant de la scène.

5/ Outils anti-harcèlement et “anti-toxicité” : regardez le travail incroyable que font Egae ou encore Caroline Therwath-Chavier qui propose des coachings et formations anti-biais avec The Allyance.

Pour briser ce plafond de verre, nous avons toutes et tous un rôle à jouer.

Mesdames, osons plus!

Certes, les entreprises ont leur part de responsabilité… Mais nous en avons aussi en tant que femmes ! Nous devons être les premières actrices du changement.

De mon expérience sur le terrain, voici ce qui fait la différence entre les femmes qui postulent et obtiennent des postes de C-levels et les autres.

Savoir se positionner en interne, ce n’est pas faire de la politique. Cela fait partie du job ! Une femme, top CPO de l’écosystème français m’a confié récemment : “J’ai une PM dans mon équipe qui est vraiment excellente. Mais elle ne sait pas se valoriser. Résultat, des hommes moins bons lui passent devant pour obtenir les meilleurs scopes et de la visibilité en interne. Je la coache sur ces aspects-là plus que sur le Produit.”

Au delà de la sororité 🫶, l’apprentissage clé est : “N’attendez pas que l’on vous donne votre légitimité”. Car on ne vous la donnera pas. Prenez-là et assumez-là !”

Jouer la carte de l’audace. C’est ce qu’a fait Belén Alomar Brutau, CPO de Malt, qui a réussi l’exploit d’atteindre des postes de managers dans le Produit sans jamais avoir été Product Manager “IC” par le passé. Une prouesse dans un écosystème malheureusement fermé sur le sujet. Son motto est celui que l’on a à L’Avant-Garde : “Be bold”. Belén confie : “Ne regardez pas les fiches de postes avant de postuler. Si je l’avais fait, je n’aurais jamais postulé [chez Malt] car je ne cochais aucun des critères demandés à la base. Je me suis appuyé sur un chasseur de tête externe qui a su valoriser mon profil, parler de ma personnalité et convaincre les fondateurs de me rencontrer.”

Sauf que bien sûr, cela ne suffit pas. La CPO a littéralement “déchiré” les entretiens et l’étude de cas pour surpasser tous les autres candidats et décrocher le job, forte de sa personnalité et de ses expériences en conseil, stratégie et business.

“Business” n’est pas un gros mot. C’est au contraire un booster de carrière sous-exploité par les femmes. C’est l’autre principale différence que je vois avec celles qui gravissent les échelons dans le Produit : elles s’intéressent au cycle dans sa globalité : marché, growth loops, Product-Market Fit, Product Marketing bien sûr, mais aussi à la partie commerciale, au pricing et au P&L. Savoir construire des produits rentables, c’est la clef pour mettre le Produit au cœur des organisations. Mesdames, il est temps d’apprendre à parler business, à interagir avec tous vos stakeholders. Et à aimer cela !

Un boost de confiance en soi ? Quand je m’interroge sur ce qui fait la différence entre les femmes qui ont des parcours de carrière incroyables et celles qui ont atteint leur plafond de verre, un élément revient : elles sont plus insouciantes. Elles osent plus.

Déborah Pillet, Product leader de Mangopay confirme : “Il faut dire aux femmes d’oser. Et pour les plus motivées, qu’elles parlent ! Il faut qu’on transforme en énergie positive tout ce qui nous énerve dans le système actuel.”

Pour Mathilde Collin, CEO de Front, c’est plutôt la confiance en soi qui manque. Voici ce qu’elle confiait à Maddyness en janvier 2024 : «J’investis dans des startups depuis 7 ans et à mes yeux, à niveau égal, c’est le niveau de confiance en soi qui nous tue. La différence en la matière est assez marquante entre les hommes et les femmes. Ma motivation est donc d’en inspirer d’autres. Mais je trouve que nous sommes plutôt sur une pente ascendante. Il y a plein de femmes qui se lancent dans la Silicon Valley par exemple. Et il ne faut pas oublier que les entreprises gérées par des femmes sont économiquement plus efficaces, elles ont tendance à moins dépenser.»

Messieurs, on a (aussi) besoin de vous

Pour construire un nouveau schéma il faut que toutes les parties prenantes soient engagées. Naturellement, les hommes ont un rôle clé à jouer dans un nouvel équilibre.

Avec Pachamama, je croise régulièrement des hommes qui créent des startups et qui cherchent spécifiquement des femmes co-fondatrices au lancement de leur projet. Je les soutiens, notamment en leur ouvrant mon réseau.

“On a besoin d’hommes proactifs. Les talents féminins, il ne faut pas hésiter à aller les chercher !”

Je vois aussi des hommes CEO qui tiennent à rééquilibrer leur comEX ou CoDir, ou même le ratio dans leur secteur (👋 l’industrie, le BTP, la fintech, l’insurtech…) en allant spécifiquement chercher des talents féminins.

Au risque de relancer le débat sur la discrimination positive, je trouve cela génial. Pourquoi ? Car la diversité c’est un sujet qui se travaille, car ces hommes ont compris que tout se joue dès le début.

La diversité, plus tôt on la met en pratique, plus c’est facile de la nourrir ensuite.

À contrario, je suis frustrée de voir des startups post-série A (au moment de leur phase de structuration et de la création du noyau dur de l’équipe Tech, Data & Product par exemple) abandonner le recrutement de talents féminins avant même d’avoir essayé…

Quand une startup passe le stade d’avoir plus de 10 développeurs dans une équipe et 0 femme, le recrutement de talents féminins - Data et Produit inclus - deviendra compliqué avec le temps car les femmes ne se sentiront pas “safe” et ne prendront pas le risque de rejoindre une telle équipe.

On a besoin d’hommes proactifs. Les talents féminins, il ne faut hésiter à aller les chercher !

Chez PayFit, iI existe une initiative interne : Women @PayFit. Les 2 priorités du dernier semestre ? L'accompagnement du retour de congé maternité / paternité et le mentorat. Cette scaleup a compris que le mentorat et l’exposition en interne sont des thématiques importantes, et qu’elles doivent être autant portées par les femmes que par les hommes.

Mais pourquoi est-ce encore tabou de parler de ces sujets-là aujourd’hui ?

En 2021, Christopher Parola, CPO de Yousign, expliquait dans un dossier du média Le Ticket : “J’ai conscience depuis longtemps qu’il y a une inégalité homme-femme anormale. En revanche, j’ai mis du temps à me dire que j’avais mon mot à dire et que je pouvais être acteur de ça.”

Pour Victor Billette de Villemeur, parler de ces sujets-là en tant qu' ”influenceur Produit” est un devoir mais “en tant qu'homme, je trouve ça difficile de ne pas être maladroit car je fais partie du problème que j'essaye de résoudre. Donc je suis forcément juge et partie. J'ai une vision biaisée ou seulement parcellaire de ce qu'une femme peut ressentir.”

Si vous êtes un homme, et que vous vous posez les mêmes questions que Christophe ou Victor, alors vous ne devriez pas avoir de problème à parler de ces sujets.

Ce dont les femmes ont besoin : une réelle empathie envers nos problématiques. Une volonté de faire avancer les choses dans le bon sens. On sait que ça va prendre du temps, mais on a aussi besoin des hommes pour y arriver.

Si vous êtes dans cette posture d’écoute et si vous nous aidez à en parler, on fera avancer les choses.

Allons plus loin dans la diversité

Pourquoi ne pas profiter du contexte économique pour booster les initiatives D&I (Diversity & Inclusion) ? Profiter de cette phase de croissance économique plus saine pour faire émerger en interne des talents féminins, ceux à fort potentiel ?

Mesdames, c’est à nous de construire des lendemains plus égalitaires, à nous de prendre la place qui nous est due. Messieurs, c’est à vous d’être nos alliés dans cette version moderne du féminisme.

Notre monde est encore plus riche que la binarité homme-femme dont je parle dans cette tribune. Je me questionne alors : pourquoi en 2024 en est-on encore à parler uniquement de la diversité hommes-femmes, alors qu’il y a tant d’autres sujets à adresser et tant de minorités qui sont sous-représentées et qui souffrent : les personnes racisées, les personnes handicapées, les LGBTQIA+, les seniors…

Est-il normal que j’ai dû mettre autant d’énergie à faire en sorte que des femmes prennent la parole dans cette tribune ? Les histoires, elles sont là et c’est pourtant très difficile de les exposer publiquement. Et plus des femmes se livraient à moi, plus j’en découvrais de nouvelles. J’ai dû batailler pour faire en sorte qu’elles prennent vie, même de façon anonyme. Je l’ai fait pour que les femmes puissent s’identifier et s’entraider. Pour que l’écosystème ouvre les yeux et arrête une bonne fois pour toute de se demander : “il est où le problème ?”

Pour en savoir plus sur nos métiers : téléchargez notre livre Les Clés du Product Management.

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